« L’art…même sans sou, vous êtes content de le pratiquer » – Nathalie Djakou Kassi

Pour que cette profession se développe, il faut enseigner, éduquer, équiper des ateliers, organiser des compétitions. Le Cameroun a une grande ressource de matières premières notamment l'argile

Bonjour Mme Nathalie Djakou Kassi, vous êtes une artiste céramiste, fondatrice de l’association DECERAM. Pourriez-vous nous en dire plus sur le métier de céramiste ? Et sur DERECAM ?

La céramique est un objet  réalise à base d’argile cuit et émaillé. Il y a plusieurs types de céramique. Moi, je fais la céramique d’art.
DECERAM est un groupe que j’ai mis sur pied au Cameroun en 2013, réunissant des céramistes pour surtout réaliser des commandes. Car les membres restent des artistes libres. Malgré mon installation au Nigeria, le groupe se retrouve toujours quand on obtient des commandes spéciales. Ça permet aux membres de faire face à des challenges, de faire autre chose et de gagner aussi quelques sous et surtout de l’expérience et de rester en contact.

 

D’où vous vient cette passion pour cet art ? Vos parents vous ont-ils soutenu ?

Ma passion pour la céramique vient de mon admiration pour les porcelaines que papa achetait pour la maison. Je dessinais aussi beaucoup dans l’enfance . Alors quand papa a visité l’école d’art de Mbalmayo, il en a parle a la maison et je lui ai manifesté le désir de m’y inscrire. Ça pas été facile à accepter mais mon insistance a pris le dessus et au vu de mes résultats, ils m’ont soutenu.

 

Sur le chemin de l’école, mes camarades et moi, nous subissions les pires moqueries mais ma passion a balayé d’un revers de la main les moqueries.

Quel a été votre parcours avant de devenir artiste céramiste ? Vous avez dû rencontrer de nombreux obstacles. Dites nous lesquels et comment avez-vous réussi à les surmonter ?

Je suis entrée a l’école d’art après le BEPC en 1992. Sur le chemin de l’école, mes camarades et moi, nous subissions les pires moqueries mais ma passion a balayé d’un revers de la main les moqueries. J’ai jamais été ébranlée par ces moqueries. En plus, j’ai fini meilleure élève de ma promotion en 1995.

Lors de votre passage dans l’émission « Carrières » diffusée sur Canal 2 International en 2014, vous considériez le métier de céramiste comme un métier d’avenir ? Deux ans plus, pensez-vous que c’est un métier qui a pu se développer depuis ?

Oui depuis là, la profession a grandi. Les gens apprennent à consommer, à acheter, les universités enseignent de plus en plus l’art céramique, les invitations des céramistes dans les évènements se font nombreuses et le respect de la profession grandit. Beaucoup d’autorités choisissent la céramique comme objets d’art et cadeaux à offrir. Les entreprises nous font confiance pour leur cadeaux d’affaire, les églises, les privés et autres.

 

Selon vous que faudrait-il pour que ce métier se développe davantage dans le pays ?

Pour que cette profession se développe, il faut enseigner, éduquer, équiper des ateliers, organiser des compétitions. Le Cameroun a une grande ressource de matières premières notamment l’argile. La céramique est étendue. On a :

  • la céramique industrielle avec les sanitaires, les carreaux,
  • la céramique dans l’aéronautique,l’automobile,
  • la céramique dans la verrerie,
  • la céramique dans électricité et autres.

Si on est ouvert et informé, on peut faire beaucoup pour développer la céramique.

Se démarquer et valoriser la céramique passe par le travail permanent, la nouveauté, la créativité permanente, honnête dans les commandes, la participation aux expositions, aux compétitions […] garder la foi en temps de vache maigre.

Parlons de vos œuvres. Comment définiriez-vous votre style ? Passez-vous des messages à travers vos œuvres en particulier ?

En ce qui concerne mes œuvres, j’adore graver et le masque qui revient toujours dans mes œuvres est ma signature et symbole de l’être humain. Pour dire qu’en toute chose que nous faisons nous humains, nous sommes toujours responsable. Nous devons toujours assumer.

 

Le Cameroun est un pays où l’artisanat reste reconnu et respecté sur place et partout ailleurs. On compte de nombreuses disciplines célèbres comme la sculpture, la peinture, le textile, la bijouterie, etc… Comment faites-vous pour valoriser l’art céramique et pour vous démarquer ?

Se démarquer et valoriser la céramique passe par le travail permanent, la nouveauté, la créativité permanente, honnête dans les commandes, la participation aux expositions, aux compétitions, la transmission aussi car on reçoit également les étudiants des universités au sein de DECERAM. Même au Nigeria ou je suis installée, il y a beaucoup de sollicitations des étudiants. Enfin, garder la foi en temps de vache maigre.

Jusqu’à présent, les métiers de médecins, avocats, ingénieurs, etc… restent les plus prisés par les jeunes. Comment réussiriez-vous à convaincre ceux qui, même passionnés par les arts, de se lancer dans le métier de céramiste ?

L’art en général n’est pas une profession qu’on choisit..c’est en soi..c’est dans le ventre. Ça vous choisit…même sans sou, vous êtes contents de la pratiquer surtout la céramique d’art. C’est la passion qui prime. Si votre enfant a un talent artistique et qu’il fait autre chose tôt ou tard, l’art le rattrapera. Je vais juste dire à ceux qui sont dans la profession ou ceux qui veulent y entrer, que s’ils pensent à gagner beaucoup d’argent tout de suite, ils n’ont qu’a aller ailleurs. L’art, c’est la patience, le travail ardu, le découragement des autres mais la persistance paie.

Où êtes-vous basée actuellement ? Où pourrions-nous admirer votre travail ainsi que celui des autres céramistes avec qui vous travaillez ?

Je suis en ce moment au Nigeria. Mais j’ai des amis installes à Yaoundé Ngousso, à Eseka et à Mbalmayo qui tiennent bon.

Enfin, quel message aimeriez-vous passer aux Camerounais ?

Aux Camerounais, je dirais l’art est une profession, l’artiste paie aussi des factures, donc que les Camerounais achètent et collectionnent, qu’ils n’attendent pas toujours que les artistes leurs donnent cadeaux et que l’art, en particulier la céramique, est très étendue et fait de l’artiste un polyvalent. S’il y a moyen d’investir, qu’ils n’aient pas peur si l’artiste est sérieux car c’est difficile pour les artistes d’obtenir financement pour leur équipements et pourtant la Chine, l’Italie,les États-Unis et autres sont ceux qui nous alimentent en céramique de tout genre depuis belle lurette, de la tasse de café en passant par les bibelots les carreaux, sanitaires voitures,avions et autres.

                     Réalisé par Kate Mouliom

 

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