Le 12 avril 2023 marquait un tournant important dans le système sanitaire au Cameroun avec l’entrée en vigueur de la Couverture Santé Universelle. La cérémonie a été présidée par le ministre de la santé dans la région de l’Est Cameroun. Mais à peine lancé que des voix s’élèvent pour émettre des avis défavorables quant à la réussite de cette phase pilote.
C’était une promesse du président Paul Biya. Lors de son adresse à la nation, soit le 31 décembre 2017 où il évoque les défis auxquels le gouvernement doit apporter des solutions, comme la santé. Dans ses propos il fait alors allusion à la Couverture Santé Universelle. Mais il a fallu attendre huit ans et quelques mois de retard pour enfin voir les retombées de ce discours. Annoncée pour le mois de janvier, c’est finalement le 12 avril 2023 que le ministre de la santé, Manaouda Malachie a posé les jalons de la Couverture Santé Universelle au Cameroun. La cérémonie s’est déroulée dans la région du soleil levant en présence d’une impressionnante foule.
Dans son discours, le patron de la santé au Cameroun n’a pas manqué de faire l’éloge de la Couverture Santé Universelle. Par la suite, il a exhorté les populations à s’imprégner de ce nouveau mécanisme qui va contribuer à leur bien-être sur le plan de la santé. Et pour cette phase pilote, il a expliqué qu’il existe deux modes d’enrôlement. Soit se rendre dans l’un des sites qui sera installé bientôt dans les dix régions et muni de sa carte d’identité ou alors le faire en ligne via l’application mobile « CamerHealthCoverage ». L’objectif est de permettre à toutes les populations d’avoir en leur possession une carte de Santé Universelle leur permettant de bénéficier des soins de santé gratuitement.
Lors de ce lancement les premiers bénéficiaires de la carte universelle santé ont été enregistrés dans la localité de Mandjou à Bertoua. Par la suite, le ministre a également annoncé des campagnes d’enrôlement qui se feront de porte à porte auprès des ménages. Une campagne de communication sera mise en place pour informer les usagers sur les lieux où ils peuvent s’enrôler. Mais pour l’heure les personnes concernées par cette couverture sont les femmes enceintes, les enfants de 0 à 5 ans, les personnes sous dialyse, les personnes vivant avec le VIH/ SIDA, les personnes atteintes de tuberculose et d’onchocercose.
L’arrivée de cette carte santé universelle ne fait pas l’unanimité au sein de l’opinion. Pour certains observateurs qui restent péremptoires dans leurs analyses, cette phase dite pilote est déjà programmée pour échouer. Offrir aux populations des soins de santé gratuits et de bonne qualité, tel est le leitmotiv des autorités depuis aujourd’hui de nombreuses années. Mais au-delà du discours, il y a une réalité qui est implacable et qui est visible au quotidien dans les structures sanitaires. Il manque du personnel qualifié ou en sous-effectif surtout dans les coins reculés. Et cela s’explique par le fait que le gouvernement peine à recruter ou à mettre à la disposition des hôpitaux le personnel nouvellement formé faute de moyens. Ceux qui ont eu la chance d’être recrutés, préfèrent plutôt travailler dans les grandes villes. De l’autre côté, il y a les structures hospitalières qui ne sont pas pour la plupart bien équipées. Le plateau technique de certains hôpitaux n’est vraiment pas à la pointe, voire inexistant.
L’autre problème aussi que va soulever la carte de santé universelle, c’est au moment de l’identification. Parmi les éléments à fournir pour obtenir la carte de santé universelle, il faut soit présenter une carte d’identité, l’acte de naissance, le passeport, l’acte de mariage. Or au Cameroun, il y a une grande partie de la population, surtout celle des coins éloignés qui n’a aucun de ces éléments. Selon le media aa.com.tr on dénombre plus de 66% des enfants qui n’ont pas d’acte de naissance au Cameroun. Bien que cela concerne toutes les régions du pays, la plus grande majorité se trouve dans les régions du Nord-Ouest, Sud-Ouest et l’Extrême-Nord. Lorsqu’on sait que ce sont des zones fortement touchés par certaines maladies ou encore des attaques des groupes extrémistes qui sévissent dans ces parties du pays.
Le financement de la Couverture Santé Universelle
Selon le rapport de Spar Africa qui date de mai 2021 « Le Cameroun compte actuellement plus de 30 régimes de financement de la santé, dont 19 dépendent du financement des bailleurs ». Autrement dit, la question du financement ne doit pas se poser dans la mesure où le Cameroun à des partenaires qui l’accompagnent depuis des années dans son chantier pour l’amélioration des soins de santé des populations. Ainsi, pour la Couverture Santé Universelle c’est un budget de 95 milliards de FCFA qui a été débloqué, avec une participation de 47 milliards de FCFA pour le Cameroun et 48 milliards de FCFA pour les partenaires. Ce montant va permettre de rembourser les prestations réalisées dans les hôpitaux de districts, les centres médicaux d’arrondissement, ainsi que ceux de la 4ème jusqu’à la 6 ème catégorie.
Cependant l’autre danger derrière l’instauration de la carte de santé universelle, c’est de voir la corruption montée d’un pic. Puisque celui qui aura sa carte n’aura plus besoin de débourser un sou pour se faire soigner. Ce qui causera un manque à gagner à certains agents habitués à extorquer de l’argent aux malades. Mais ceux-ci ne vont pas rester sans rien faire. Au niveau des remboursements des prestations, c’est aussi une autre porte ouverte aux détournements. Il suffit juste que l’établissement sanitaire dresse sa facture et elle sera payée automatiquement. Pour rappel, la journée du 12 décembre a été proclamée par l’assemblée générale de l’ONU comme étant la Journée internationale de la couverture santé universelle.
Charles Binelli