Il fait partie des jeunes entrepreneurs qui contribuent à l’évolution de l’Afrique en construisant des solutions innovantes. Associé-gérant à PubPoint, une start-up spécialisée dans la conception des contenus publicitaires en 2D pour les entreprises et les organisations. Jovial Douanla veut en faire une référence mondiale dans les toutes prochaines années. Malgré les vents contraires qui se hissent sur son chemin, le jeune camerounais est un loup aux dents longues qui voit les choses en grand. Comme tout entrepreneur, sa vie n’est pas un long fleuve tranquille. Mais son dynamisme et son ambition de faire bouger les lignes dans un environnement très concurrentiel sont un motif pour sa quête vers l’excellence. Dans un entretien accordé à JDM, il nous parle sans langue de bois de la vision de son projet, ses moments de doute, ainsi que ses espoirs pour l’avenir.
PubPoint SmartDraw compte à son actif plusieurs associés un peu partout en Afrique et en France, qu’est-ce qui vous a poussé à vous lancer dans ce marché très concurrentiel de la publicité ?
Au départ très honnêtement, c’était un jeune designer qui voulait gagner sa vie avec sa passion. C’est un univers de la communication qui est très concurrentiel, et proposer des services à des tarifs bas ne suffissent pas. On l’a compris en trois ans (2015-2017). On a réussi à survivre tout de même, avec un peu de chance parfois. Globalement, il faut comprendre que la communication selon que nous l’avions à l’esprit au départ (supports projets & spots publicitaires à la demande) était des services B To B et donc difficile à proposer à un public de chefs de projets qui connait déjà ses partenaires, ou n’est pas habitué à ce que nous proposions. Il a fallu un sérieux effort d’image pour survivre.
Le choix de se lancer dans l’univers de la publicité s’est donc imposé de lui-même, depuis l’intention d’un jeune adulé et puis a évolué selon que « La seule chose qui soit constante en affaire c’est le changement ».C’est cette expérience d’évangélisation et la forte demande dans quelques pays du continent qui nous ont amenés à comprendre ce que le marché veut véritablement.
Qu’est qui fait de PubPoint SmartDraw une révolution dans l’univers de la publicité ?
L’avenir du marketing c’est la publicité à l’échelle. Il est temps que, les ingénieurs d’Afrique prennent leurs places dans tous les écosystèmes Tech.
Tous les managers et chefs de projet, peu importe la taille, souhaitent produire des spots publicitaires de haute qualité, régulièrement et sans se ruiner. Voilà la conclusion à laquelle nous sommes arrivés en 3 ans de travail pour eux.
C’est la raison pour laquelle au lieu d’être une agence de communication qui le leur propose en interne ou en drop servicing, nous mettons à leur disposition un environnement clé à la main pour le faire. Avec PubPoint SmartDraw B To C que nous développons et PubPoint SmartDraw B To B qui arrivera juste après.
Nos plus vieux concurrents dans le monde sont nés en 2004, nous en avons autour de 120 dans le monde, qui ont saisi pas moins de 5 millions d’utilisateurs en Afrique. Entre Powtoon et Animaker, il y en a assez… Nous sommes le pionnier dans notre métier sur le continent africain et espérons être le leader et puis challenger le reste du monde. Pourquoi, parce que nous pensons que l’Afrique est le marché le plus exigeant du monde. Alors si nous le saisissons, nous n’aurons aucun mal à saisir celui du reste du monde.
Comment fonctionne le logiciel PubPoint SmartDraw?
Nous concevons des scénarios complets, personnages et effets spéciaux, puis nous les intégrons dans une série de boîtes à outils uniquement disponibles en ligne afin que chaque professionnel puisse éditer du texte / insérer son image / vidéo et télécharger sa vidéo. Aussi simplement.
Aujourd’hui nous avons conçu plus de 6000 boîtes à outils vidéo et nous essayons de faire de notre mieux pour les rendre disponibles progressivement en ligne via la plateforme.
Nous avons déjà livré un MVP à ce jour, nous surfons autour de 1300 requêtes et 169 utilisateurs. Nous nous servons surtout de cet échantillon afin de comprendre le comportement des utilisateurs et leurs préférences (devices, navigateurs, pays, etc.) pour pouvoir perfectionner notre stratégie d’acquisition post MEP de la Version stable. C’est d’ailleurs pour cela que nous avons fermé la vanne mobile, depuis le début afin de n’observer le comportement de nos utilisateurs que sur ordinateur.
Sur la base des données actuelles, nous avons d’ores et déjà compris où pourrait se trouver la majorité de nos utilisateurs : sur mobile. Pour cela, il faudrait que nous ayons le bon taux de conversion (% de demande de vidéos via le mobile) ; dans tous les cas, sur la base de ces données, nous sommes en train de terminer la version mobile de la plateforme, afin de permettre aux utilisateurs actuels et avenirs, d’utiliser le premier logiciel de conception de spots publicitaires d’Afrique depuis leurs mobiles.
En 2018 vous avez fait une collecte de fonds pour le lancement de votre start-up. Connaissant la complexité de cette initiative, avez-vous réussi tout au moins à réunir un montant raisonnable pouvant vous permettre de commencer vos activités ?
Oui il faut être transparent avec les générations qui viennent, faire du public raise est lent, très lent ; surtout sans « Labels » (entités financières ou pas qui recommande publiquement ce que vous proposez) et pire en Zone Afrique Centrale (Diaspora incluse). On a utilisé notre petite réputation (clients inclus) et la qualité de la vision pour séduire les micros investisseurs qui majoritairement ont soutenu sans réellement comprendre ce qu’on voulait faire. Je pense qu’ils ont surtout investi sur la volonté et la transparence que j’avais démontrées à ce moment-là.
Nous avons heureusement levé assez pour pouvoir faire notre R&D et comprendre la complexité du produit sur lequel nous voulions travailler. Nous avons eu mille raisons d’abandonner et je mentirai si je dis que chaque collaborateur de PubPoint Smart Draw ne m’a pas réconforté dans les moments les plus durs. Surtout notre responsable technique en CDI avec qui je travaille depuis 2 ans. Il a vu toutes les phases de cette aventure.
Le tunnel technologique demande beaucoup plus de fonds que prévu. Mais alors beaucoup plus ! Que cela soit pour recruter des geeks avec qui nous devons murir notre R&D, ou que ce soit des designers qui doivent concevoir des milliers de variétés pour le public ou encore les tester à l’échelle qui doivent vérifier le comportement de chaque devise de nos clients pour tracker les bugs ou enfin suivre les besoins des clients pour continuer à tailler le service à l’image de leurs besoins. Le besoin est beaucoup plus important que les micros investisseurs veulent bien le faire croire. Mais au moins on a une bonne nouvelle, on le sait aujourd’hui : on sait ce qu’il nous faut.
Aujourd’hui nous faisons essentiellement du « Cash Burn » c’est-à-dire travail plein sur ce produit et aucun services parallèles. Du coup bonne nouvelle ! Ça nous permet de moins ralentir sur nos réflexions côté produit, et mauvaise nouvelle pour les investisseurs : ils n’auront pas un ROI avant longtemps. Heureusement que nous avons des investisseurs patients, du moins pour le moment…
Nous avons d’ailleurs initié une nouvelle collecte de fonds en partenariat avec Financial Afrik pour soutenir le développement de notre produit. Toutes les informations sont disponibles dans notre capsule vimeo ici :
Il y a quelques jours, tu as fait un post sur ton compte personnel pour expliquer les raisons pour lesquelles tu étais en Europe. Pourquoi aujourd’hui la plupart des entrepreneurs africains ont encore recours au financement venant de l’Europe et non celui venant exclusivement de l’Afrique ?
Je suis beaucoup de jeunes Ventures Capital, basés ou revenus en Afrique et avec mon regard issu de mes conversations avec leurs collègues VC étrangers, il est fort de constater, même si c’est dommage que les VC du continent, surtout en Afrique Francophone soient parfois inutilement lourds dans leurs process.
Je pense que c’est surtout une question de business model à leurs niveaux globalement : quand un VC étranger sent qu’il marche avec une « idée » ou un « prototype » ou un « concept », il injecte les fonds suffisants pour qu’elle mature sur le terrain. Le mindset des VC étrangers est en moyenne le même, « 99 de mes startups vont échouer, mais j’aurais au moins 1 Facebook ». Or, les VC locaux veulent le maximum de rentabilité sur tout le monde.
Du coup, ils font des rentabilisations moyennes sur des commerces classiques alors qu’ils pourraient faire des chiffres gros à une dizaine de zéros voir plus, sur des produits qui demandent plus de risque : tout ce qu’on demande c’est à être écouté et qu’au moins on nous dise « Non » et en toute transparence « Pourquoi ».
Dans le cas de PubPoint SmartDraw particulièrement, l’Europe a surtout été la terre sur laquelle j’aurais vite appris, sans me tracasser avec la barrière de la langue ; et en plus le lien design, Tech Europeen est l’un des meilleurs de la planète. Les investisseurs et chefs de projets du monde viennent en Europe se ravitailler en technologies design-tech, que ce soit dans l’Architecture, la production, le cinéma, la médecine ou autre.
Par contre ce n’est pas le pays qui investit avec le plus de liberté sur les entreprises en amorçage, mais les choses sont en train d’évoluer dans quelques réseaux.
Les Startups ambitieuses ont surtout besoin d’un public d’investisseurs qui les écoute et essaye de comprendre ce qu’ils veulent faire, pourquoi ils veulent le faire et comment ils veulent le faire. Les chiffres sont des détails et n’importe qui peut se tromper en les donnant. Il faut encore évangéliser les VC basés en Afrique, pour qu’ils comprennent qu’investir sur une Startup basée en Afrique c’est aussi grandir avec eux.
Comme je le disais d’ailleurs il y a quelques jours à une ainée VC’s CEO que je respecte beaucoup, Mme Tokunboh Ishmael : Remarquer qu’un chiffre est erroné n’est pas une raison de ne pas investir quand la vision est bonne. Nos moteurs financiers africains doivent le savoir !
Le Magazine Financial Afrik avait titré dans l’un de ses articles « À 24 ans, le Camerounais Jovial Douanla veut révolutionner la pub en Afrique ». Aujourd’hui pensez-vous que vos actions dans le domaine de la pub ont contribué à porter un nouveau regard sur la conception des messages publicitaires en Afrique ?
Celui qui a inventé la sandale n’est pas resté dans l’histoire, mais son œuvre si. Celui qui a inventé le simple vêtement non plus, ainsi que le papier toilette, etc.
En 2017 j’ai vu défiler une petite cinquantaine de Startups d’Afrique Francophone avec des PowerPoint vidéo, non conçus par nous. Ce qu’elles ne faisaient pas un an avant que nous ne fassions écho de ce type de service.
En 2018 j’ai encore vu défiler une petite centaine de Startups d’Afrique francophone avec des vidéos motions design, basés dans la diaspora ou sur place. Non conçus par nous. Ce qu’elles ne faisaient pas quelques années avant que nous ne fassions écho de ce type de service également.
Nous avons travaillé pour Jumia, le guichet unique et quelques grosses banques camerounaises. Chaque étape de notre parcours jusqu’ici a été médiatique et j’ai influencé d’une manière non négligeable la manière de communiquer de l’écosystème qui m’a suivi et par cet écosystème, d’autres écosystèmes, et ainsi de suite…
Donc oui, je pense que nous y sommes pour quelque chose sur le niveau d’évangélisation du marketing actuel en Afrique. Notre minimum d’utilisateurs aujourd’hui (un peu moins de 200, sans investissement marketing) malgré que le produit soit instable nous sert d’ardoise d’évaluation de ce que nous faisons. Pendant que nous stabilisons et avant d’investir plus gros.
Le monde est aujourd’hui sous la menace de la pandémie du coronavirus, et sur le plan économique on a enregistré d’énormes pertes. Comment au niveau de PubPoint parvenez-vous à gérer cette période difficile ?
Comme je l’ai dit plus haut nous faisons actuellement du « Cash Burn » et nos économies nous permettent de tenir. Étant Product Owner consultant à Paris depuis mon arrivée, je soutiens régulièrement la croissance de notre solution. Je fais de mon mieux pour que nos collaborateurs ne souffrent de rien
Nous avons un capital privé qui a fait le souhait d’entrer dans notre board il n’y a pas longtemps avec un split equity + Prêt. Nous sommes en train de valider sa proposition, mais continuons à lever 6% de nécessaire pour que nous puissions avancer. Nous avons réduit le ticket d’entrée à la demande des potentiels investisseurs afin d’accueillir le maximum.
Nous avons dissous nos bureaux afin de minimiser nos investissements sur ce que nous faisons. Nous les rouvrirons dès que nous le sentirons nécessaire et chaque collaborateur (actuels et ceux qui viennent) pourra y aller s’ils veulent du calme ou travailler depuis chez eux s’ils s’y sentent bien.
Je peux être fier d’avoir réussi à ne pas mettre en pause le développement du produit à cause de la crise (sourire)
Avec un peu de recul, quel est le bilan que vous pouvez dresser depuis le lancement de vos activités ?
Aujourd’hui je dirai que je suis fier de l’audace du jeune homme qui a voulu se prouver à lui-même qu’il pouvait rendre fière toute une génération. Mais il faut plus que ça pour rendre une entreprise stable.
Nous n’avons pas d’activités à proprement parler, tant que notre produit ne génère pas de chiffre (pas encore), mais je peux tout de même dire que ceci est une grande aventure de vie finalement.
Gérer une entreprise, des taxes, des associés et des collaborateurs élèvent la dimension de l’homme, l’aide à comprendre les plus bas instincts des autres et comment les gérer.
Cette expérience, personne ne peut l’arracher et si nous réussissons à réaliser le rêve de ce produit ou du moins une partie, ce sera une grande fierté et chaque sacrifice aura valu la peine.
Gérer cette Startup m’aura aussi permis de mieux manipuler mes émotions : mon couple, ma famille et plus globalement mes relations humaines.
Ce n’est pas une aventure que je recommande à tout le monde, car beaucoup trop challengeant. C’est plus aisé de monter un projet complexe d’entreprise, pour s’accomplir, que le faire à l’aveuglette, car même brillant, le pari est beaucoup trop risqué et le prix à payer trop grand.
Aujourd’hui, tous les regards sont braqués sur l’Afrique et son potentiel énorme. Seulement, la plupart de jeunes en Afrique, et au Cameroun en particulier qui rêvent d’autonomie, de monter leur propre entreprise se sentent impuissant face aux grandes entreprises étrangères qui sont déjà installées, mais surtout font face au manque de financement. Quel est le conseil que tu peux leur donner pour concrétiser leur rêve ?
Alors, je vais commencer par un TIP qui va faire blow mind, mais que tous les Hommes d’affaires savent.
« Le premier client ne sait jamais qu’il est le premier client ».
En effet, les jeunes ont parfois plus besoin d’un premier client que de financement et malheureusement, si votre premier client sait qu’il est votre premier client, vous ne l’aurez en général jamais, et donc vous n’aurez jamais de clients tout simplement. Avoir un seul client prouve que ce que vous voulez faire vaut la peine : le Business proof.
Il faut aussi que les jeunes comprennent que les applications ne sont pas des solutions, se sont juste des outils qui meublent des solutions. C’est-à-dire que si quelqu’un n’a pas besoin de « Paracétamol » ce n’est pas en concevant une application qui vend du paracétamol, que cette personne l’achètera.
Et enfin, j’aimerai leurs dire de foncer et (RE) foncer ! Pour eux-mêmes et non pour « internet » (les réseaux sociaux et la reconnaissance). Par ce qu’un homme qui a réussi, c’est un homme qui peut dormir sous un toit et manger chaque soir grâce à sa passion. Peu importe la taille. La réussite est aussi simple que cela.
J’ai aussi un message pour les potentiels / futures VC qui auront lu cet article : quand les jeunes ambitieux seront prêts à lever des fonds pour scaler, écoutez. Si vous voulez être plus riches, écoutez ! Beaucoup de produits magnifiques ayant des porteurs et des équipes extraordinaires mourront justement par ce que le feet attente investisseurs / ressources de l’équipe, est trop cassé. Droppez le business plan ce n’est pas un papier de statistiques, le marché évolue constamment, et le besoin aussi surtout dans l’univers de la Tech. ÉCOUTEZ et « investissez » de sur les plus transparents en termes de vision. Au moins 1 Startup vous le revoudra et vous rendra fiers.
Charles Binelli