20 MAI 2022 : Cinquantenaire de l’Unité, dans quel contexte ?

la jeunesse qui évolue dans un environnement gangréné par ces divers maux, elle ne s’en sort pas indemne. La recrudescence de la violence dans le secteur de l’éducation secondaire est observée ; sur la toile, les discours de haine et le tribalisme se démarquent avec acuité.

Le passage de l’État fédéral à l’État unitaire du Cameroun découle du référendum qui s’est tenu le 20 mai 1972 à l’initiative de M. Ahmadou Ahidjo alors Président de la République. Par la majorité des voies, les Camerounais décident de demeurer dans un état unitaire. Cette unité à laquelle ils attachent fortement du prix fêtera cette année son cinquantième anniversaire, dans un contexte marqué par des soubresauts d’une sécession émanant de la partie anglophone du pays et bien d’autres tensions.

Le cinquantenaire, un thème 

La Présidence de la République du Cameroun a dévoilé le 10 mai dernier le thème de la cinquantième édition de la fête de la nation. C’est autour de «forces de défense et de sécurité au service du peuple, pour la préservation de la paix sociale et de la cohésion nationale, gage de l’émergence du Cameroun » que le peuple camerounais célébrera le cinquantième anniversaire de la présence d’une et une seule étoile dorée sur la bande rouge de son drapeau. Cependant, cette unité est menacée par de nombreux cahots dont les plus parlants sont les relents sécessionnistes observés dans les régions du Sud et du Nord-ouest depuis 2016. En complément à cela, le tribalisme, la montée fulgurante du discours de haine et troubles identitaires, le regain de la vie chère, les expropriations vécues çà et là, créent des tensions qui montrent à suffisance que le Cameroun a mal à son unité.

Si l’on s’en tient à ce thème, la recherche et la préservation de la paix constituent un combat quotidien des dirigeants camerounais lesquels sont conscients des menaces dont elle fait l’objet. Aussi, la promesse de l’émergence semble leur échapper si la République demeure sous ce climat velléitaire. En effet, la paix et la cohésion sociale sont des outils importants devant mener à l’atteinte de l’émergence. Cependant, les instruments que ces dirigeants mettent en exergue en vue de l’aboutissement de cet objectif sont mitigés. En effet, le thème dévoile clairement que la paix ne pourra être préservée au Cameroun que par le biais et l’implication de l’armée. Sachant que la mise en exergue d’une sorte de violence permettant de parvenir à la paix constitue l’une des principales méthodes de l’armée, l’on s’interroge sur la pertinence des principes démocratiques. Comment dans un État qui se veut démocratique et unifié on pourrait faire recours à l’armée pour la préservation de la paix quand on sait que ces deux termes sont situés aux antipodes ? Ceci dit, ce thème laisserait croire que dans notre pays, la place des armées comme groupe socioprofessionnel chargé de la défense du territoire national est occultée afin de lui octroyer une place importante d’acteur dans le jeu politique. Il est d’usage que la préservation de la paix et la cohésion sociale dans un État qui se veut démocratique passe entre autres par le dialogue, la résolution des problèmes qui opposent les populations, l’éradication de la marginalisation et bien d’autres. En effet, il existe des moyens aussi bien accessibles qu’à efficaces pour parvenir à cette fin. 

Les parades militaires et civiles en suspens depuis deux années dues aux respects des mesures barrières visant à lutter contre la pandémie Covid-19, sont prévues pour cette année. En droite ligne avec le thème choisi, cette parade militaire sera l’occasion de présenter aux yeux des ennemis l’artillerie et la puissance souveraine dont le Cameroun jouit sur le plan militaire. Ce thème et cette parade préparée en grande pompe suffisent à dissuader toutes personnes constituant un obstacle à la paix et la cohésion sociale du Cameroun. Le message ainsi passé sera que le Cameroun, pour ses intérêts pacifiques n’hésitera pas à user de ses armes. 

Cinquantenaire de l’unité, dans quel contexte ? 

S’agissant du contexte de célébration de la cinquantième édition de la fête de la nation, l’on peut remarquer que l’unité du Cameroun est profondément affectée si l’on s’en tient à une observation objective de la société. Bien que l’on puisse se réjouir du brassage culturel qui constitue notre essence, on ne peut cependant pas nier l’existence de frustrations et d’autres pratiques qui constituent un frein à la consolidation des énergies autour de l’unification au sens propre du Cameroun.  

Le Grand Dialogue National organisé le 30 septembre 2019 dans le but de trouver des pistes de solution à la crise anglophone, la création des organisations luttant pour la promotion du multiculturalisme et du bilinguisme, la pratique de l’équilibre régional dans les concours administratifs, l’implémentation progressive de la décentralisation, sensibilisations diverses sur l’espace public ainsi que la répression par les armes dans les parties en crise, bien que mitigés sont implémentés par le Gouvernement afin de limiter l’impact négatif de ces pratiques séparatistes dont la jeunesse, fer de lance de la nation est spectatrice et malheureusement actrice. 

Parlant justement de la jeunesse qui évolue dans un environnement gangréné par ces divers maux, elle ne s’en sort pas indemne. La recrudescence de la violence dans le secteur de l’éducation secondaire est observée ; sur la toile, les discours de haine et le tribalisme se démarquent avec acuité. Cette situation plus quinquagénaire pousse à se demander si la célébration de ce cinquantenaire ne devrait pas prendre ancrage sur autres choses que sur la démonstration de la souveraineté militaire du Cameroun. 

En espérant une prise de conscience objective et générale, le souhait optimiste d’une bonne fête de la nation est exprimé à l’endroit de tous les camerounais. Dans cet élan, la jeunesse qui brille, fer de lance de cette belle nation est invitée à marquer au fer rouge sa contribution positive à la construction et la célébration de nombreuses années d’unité camerounaise. 

Danielle Nganou

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