RUTH TEMBE BIZ « Une femme pour entreprendre doit être une guerrière « 

Déjà faut savoir que l’entrepreneuriat n’est pas fait pour les faibles. Une femme pour entreprendre doit être une guerrière ; elle doit se mettre en tête lorsqu’elle décide d’entreprendre qu’elle va livrer une guerre

Ses rêves et ses ambitions l’ont amené au Ghana où elle a acquis toutes les connaissances et compétences qui font d’elle aujourd’hui le boss d’AVICOMM et le leader de plusieurs autres organisations impliquées dans l’autonomisation de la femme et des jeunes africains qui osent. Ruth Tembe, écrivaine à ses heures est un modèle de fighting spirit et de détermination à suivre.

Qui est Ruth Tembe ?

Fille aînée d’une famille de six, je me définis comme étant essentiellement guidée par Dieu. Fervente croyante chrétienne, Dieu m’a permis de trouver mon but dans la vie et je lui rends fortement grâce à cet effet. Le but de ma vie consiste notamment à faire ressortir ce qu’il y’a de meilleur en chaque personne que je rencontre. Car j’estime qu’en chaque individu, sommeille un potentiel, une sorte d’énergie positive qu’il suffit de découvrir, canaliser et faire exploser. 

Votre départ pour le Ghana s’effectue dans quelles conditions ? Comment s’est déroulée votre intégration ?

J’obtiens en 2007 une Licence en Lettres Bilingues à l’Université de Yaoundé 1.  La période post-licence n’a pas été des plus évidentes pour moi car rêves et objectifs pleins la tête, j’étais convaincue qu’après ce diplôme, mon insertion socio-professionnelle allait être immédiate et j’allais pouvoir subvenir à mes besoins ainsi qu’à ceux de mes proches. J’ai très vite été ramenée à la réalité quand j’ai essuyé malgré mes efforts plusieurs mois de chômage. Je me souviens douloureusement être rentrée dans une profonde dépression qui au-delà de toutes attentes m’a rendue lucide et mature. Après une remise en question poussée je me suis dit qu’il était opportun que je mette à contribution mes talents et passions, à savoir la lecture et l’écriture que je transformerai en métier. C’est ainsi que l’idée de créer mon magazine m’est venue. Je me suis dès lors donnée pour objectif de trouver des formations et stages dans des médias de pays anglo-saxons africains. La réaction du Ghana ne s’est pas faite attendre et je m’y suis rendue en fin 2007. Début 2008, je débute avec un stage non rémunéré dans une structure éditoriale. 

Mon intégration n’a pas été difficile. En effet, la majorité des pays africains partagent la même culture en termes d’hospitalité et de bienveillance. De surcroît, ma motivation, mon désir d’apprendre et de réussir ne me laissaient vraiment pas le choix. J’étais tellement obsédée par mes objectifs que c’était tout ce qui comptait pour moi. Ce média m’avait offert une opportunité que je devais utiliser à bon escient.  

L’amour pour les métiers de l’audiovisuel découle de quoi exactement ?

Très jeune, mes parents avaient l’habitude, de retour de leurs voyages de l’étranger de me ramener des livres de contes. Ceci a entraîné le fait que j’ai passé toute mon enfance et même mon adolescence dans un contexte de lecture et d’apprentissage. Assez rapidement j’ai commencé à rédiger des contes. Suivant les étapes de mon développement, ces livres de contes se sont par la suite transformés en livres de développement personnel. Et justement en 2018, je publie un ouvrage de développement personnel à savoir Purpose first…then profit qui est un appel à la découverte profonde de soi et à l’introspection, afin d’aboutir à l’obtention d’une meilleure version de sa personne.

Vous savez la frontière entre l’écrit et l’audiovisuel est très poreuse. Ayant été marquée par des success story, j’ai réalisé que l’audiovisuel avec sa capacité à transmettre facilement les émotions grâce à sa panoplie de formats allait être le média parfait pouvant me permettre de raconter d’impressionnantes vies inspirantes. 

Pourquoi avez-vous choisi de suivre votre formation en audiovisuel au Ghana ? 

Comme je l’ai dit plus haut, c’est le Ghana qui m’a ouvert ses bras en premier. Si j’avais été contactée en premier par le Nigéria ou l’Afrique du Sud, c’est là-bas que je me serais rendue. Les voies de Dieu sont insondables ; au Ghana j’ai acquis un solide background et j’ai eu l’opportunité de rencontrer de belles personnes qui ont toutes eu une empreinte positive sur mon parcours. 

Comment s’est déroulée votre insertion dans le monde socio-professionnel, qu’est-ce-que vos premiers pas en entreprises vous ont-il appris ? 

Comme dans tous les domaines, les débuts sont toujours difficiles et stressants. L’aptitude s’acquiert au fur et à mesure que l’on s’imprègne de son métier et de toutes les façons, l’on finit par s’adapter. Je dirai que je me suis très facilement fondue dans le décor dans cet environnement, non seulement parce que toutes les personnes rencontrées m’ont ouvert leur cœur et m’ont donné une occasion d’apprendre, mais aussi parce que ma détermination y a contribué pour beaucoup. En peu de temps mes supérieurs hiérarchiques me confiait déjà d’importantes responsabilités, ce qui pour moi était la preuve de ma bonne intégration. 

Dans combien de médias y avez-vous évolué ? Dans quel poste et quels souvenirs en gardez-vous ?

J’ai eu l’opportunité d’effectuer mes passages dans des médias de renom au Ghana tels que Ghanian Observer où j’étais rédactrice et reporter. Par la suite à la radio, ma formation a été effectuée à Citi FM où j’ai acquis des connaissances sur le système de fonctionnement d’une station radio. À la Ghana Broadcasting Corporation, j’ai travaillé avec Ghana TV où j’ai été affectée au département de l’information, ce qui m’a permis de maîtriser toutes les étapes de la production TV. Je voudrais une fois de plus renouveler ma sincère gratitude à toutes les personnes qui m’ont accueilli et formé au sein de ces différents médias. Ce parcours m’a énormément été bénéfique.  

Vous êtes également entrepreneure, comment l’idée de créer votre Agence vous est-elle parvenue ? 

En partant du Cameroun vous vous en souvenez, il était question pour moi de transformer mes aptitudes et passions en gagne-pain. La possibilité d’entreprendre dans le vaste domaine de la communication n’a jamais été une option pour moi ; tout au contraire, il s’agissait d’un objectif que je me devais d’atteindre. Il a dès lors été question que j’utilise mon talent et ma créativité pour travailler à mon compte. C’est ainsi qu’une fois mes formations dans ces différents médias achevées au bout de deux ans, j’ai trouvé le moment opportun pour mettre sur pied mon entreprise.  

Qu’est-ce que African Vision Communication  Group (AVICOMM) ?  Quels sont les services que vous offrez ? Quelles sont vos perspectives ? 

La dénomination African Vision Communication Group est déjà assez révélatrice quant à ses objectifs. AVICOMM est une entreprise qui exerce dans le secteur de la communication. En effet, nous exerçons dans la publication de journaux et magazines, business development, proposition de stratégies marketing, de communication et de publicité, ainsi que des corporate events. Notre rôle consiste notamment en l’accompagnement des entreprises dans leur croissance en leur offrant des services en marketing, service digital, service de design et graphique, afin d’accroître leur chiffre d’affaires. Cet objectif traduit clairement la « Vision » que j’ai pour l’Afrique. Nous sommes l’entreprise par excellence en Afrique qui accompagne la croissance économique en attirant les investisseurs. 

Queen’s Magazine, essentiellement féminin est le premier magazine publié et édité par Avicomm. Son but était de promouvoir les actions et les entreprises des femmes africaines. Faire valoir leur savoir-faire et acquérir cette crédibilité, gage d’une notoriété assurée. Entre bien-être, beauté, astuces, informations et formations, ce magazine était dédié à la Queen qu’est chaque femme. 

Vous enregistrez plus d’une décennie aux commandes de cette agence, comment se portent les affaires dans un milieu aussi concurrentiel ? Quelle est votre plus-value ? 

Nous avons une approche assez particulière qui consiste à être cette entreprise qui apportera de la valeur aux jeunes africains qui entreprennent. Ceci dit, la valorisation des start-up africaines est notre chemin de croix. Nous accordons une part importante aux jeunes dans le but de promouvoir leurs actions et réalisations, d’où la création d’AVICOMM Youth Entrepreneurship Program qui est un programme d’empowerment ayant pour but de profondément encourager les jeunes à l’entrepreneuriat.

Par ailleurs, nous prévoyons dans la limite de nos moyens des accompagnements techniques, didactiques, infra-structurels ainsi que financiers pouvant leur permettre d’atteindre leurs objectifs et promouvoir leurs entreprises. Nous avons également fait une fixation sur les femmes dans le but de les valoriser, ainsi que leurs actions. Avec ces informations, vous pouvez vous accordez avec moi que nous voulons tout d’abord impacter et ce, positivement notre génération et nos différentes communautés. Par ailleurs, certes nous ne sommes pas une entreprise caritative, mais nous ne sommes pas non plus essentiellement focalisées sur le gain. C’est certainement la nature qui nous récompense d’une part. 

Nous avons également dans notre parcours concouru à étendre les activités de plusieurs multinationales vers d’autres contrées à l’instar du Togo, du Bénin et du Nigéria. Des entreprises telles que MTN Cameroon, Woodin, Virgin Atlantic (Ghana), Parfum de Paris (Ghana) nous ont fait confiance.

Est-ce-que les marchés camerounais, nigérians et ghanéens se ressemblent ? Qu’est-ce-qui fait la particularité de chacun d’eux ? 

Les marchés, ce d’autant plus dans différents pays ne peuvent pas se ressembler. Que l’on soit au Cameroun, au Nigéria ou au Ghana, les habitudes ainsi que les cultures de consommation ne sont pas pareilles. Chaque environnement a une identité qui lui est propre  et qui affecte grandement le marché. Au Cameroun par exemple, l’acquisition des marchés passe majoritairement par le bouche à oreille, la recommandation, les réseaux et autres. Par contre au Nigéria ainsi qu’au Ghana, ce qui prime c’est le savoir-faire, la capacité du prestataire à proposer des solutions concrètes aux problèmes que rencontrent les entreprises.

J’ai remarqué par exemple que dans ces pays anglo-saxons, la solidarité règne en maître. Par contre au Cameroun, environnement plus égoïste, il est beaucoup plus compliqué d’avoir une place au soleil.  Aussi, au Cameroun, les offres sont lentes et mal payées pour la majorité. Par contre dans ces autres pays, l’environnement est assez dynamique et malgré la concurrence, il est possible d’acquérir certaines parts. 

Vous êtes également à l’initiative d’ELYON HUB and LEWA (Leading and Enterprising Women of Africa) fondées en 2019. Quelles sont les raisons ayant suscitées leur création ? Quels sont leurs objectifs ?

Comme énoncé plus haut, toutes les actions que j’implémente ont pour but principal d’impacter positivement les femmes et les jeunes de prime abord et les autres par la suite. LEWA regroupe des femmes entreprenantes œuvrant pour la promotion du genre féminin ainsi que des actions que celles-ci implémentent. Nous les accompagnons dans ces actions-là, du lancement de leur idée de projet à l’implémentation de celle-ci en passant par la recherche de financement.  Basé à Akwa, ELYON HUB a pour cœur de cible les jeunes. Il s’agit non seulement d’un espace de co-working mais aussi d’un programme d’accompagnement de ces derniers dans leur élan de création d’entreprises. 

Dans votre lutte pour l’autonomisation et l’entrepreneuriat féminin,  quelles sont les actions que vous implémentez au quotidien?  Qu’est-ce-qui vous marque particulièrement?

Je travaille avec plusieurs groupes de femmes à l’instar des femmes de la Cameroon Business India Council dont je suis la Présidente ; je travaille également avec un groupe de Boss ladies camerounaises. Nous organisons mensuellement ou trimestriellement des rencontres et workshop dans lesquels nous développons des sujets intéressants pour ces femmes. Des webinaires, ateliers de formation et séances de coaching constituent également nos moyens de travail. 

Ce qui me marque et dont je suis particulièrement fière est l’engagement observé chez toutes ces femmes ainsi que leur autonomisation. Aussi, plusieurs d’entre elles sont désormais leaders dans leurs différentes communautés. Le fait qu’elles soient actives et que leurs actions impactent la société est salutaire. Ceci marque un pas important dans notre lutte pour la promotion et la valorisation de la femme en Afrique. Ses avancées notables observées dans la condition du genre féminin nous permettent de croire que l’époque où les femmes étaient reléguées au second rang sera bientôt un lointain souvenir. 

Dans le cadre de vos différentes activités, quelles sont les difficultés face auxquelles vous êtes quotidiennement confrontées ?

Ma principale difficulté est l’accès au financement. J’y ai certes accès, mais il s’avère que ceux-ci se montrent insuffisants. Vis-à-vis des femmes, ce n’est un secret pour personne, la société a des préjugés dont il n’est pas toujours évident de se défaire ; donc très souvent, attribuer du financement à une femme est assez difficile. Nous travaillons néanmoins avec des investisseurs femmes dans cette optique là car elles, en tant que femmes sont plus enclines à comprendre les autres et leur attribuer un accompagnement financier. Aussi, nous incluons dans nos séances d’échanges avec les femmes, des modules relatifs à la recherche du financement et à bien d’autres aspects visant leur autonomisation et leur valorisation au sein de la société. 

Nous avons plusieurs projets qui pourront développer l’économie de notre continent ; cependant, il faut du financement pour que ceux-ci puissent être réalisés et que leurs actions soient visibles de tous. Mon combat depuis peu est fondé sur la recherche de financement. D’ailleurs, d’ici la fin du mois d’avril, j’organiserai des séminaires et programmes de formation sur la recherche de financement. 

Qu’est-ce-qui selon vous devrait être mis en place afin que les femmes s’intéressent de  plus en plus aux métiers de finance, d’économie et de droit ? 

Je crois que ceci doit commencer par nos dirigeants qui doivent implémenter un travail de sensibilisation. On doit leur faire savoir qu’il est possible pour elles d’être financièrement stables. Par ailleurs, les femmes doivent aussi apprendre à travailler leur crédibilité. En effet, plusieurs investisseurs approchées sont réticents quant au financement des start-up promues par les femmes, car ils les trouvent très peu assidues et donc peu crédibles.

Ma proposition est que ces femmes apprennent à cultiver leur assiduité et avoir des modèles de réussites sur lesquels s’appesantir. Par le biais de nos organisations qui œuvrent dans le lobbying, nous adressons des doléances au gouvernement afin que des dispositions soient prises pour que les femmes puissent non seulement avoir accès aux financements mais aussi embrasser des métiers du domaine de l’économie et de la finance. Des structures de formation dans ces domaines doivent également être créées. 

Quel conseil donneriez-vous à une jeune femme qui souhaite entreprendre ? 

Déjà savoir que l’entrepreneuriat n’est pas fait pour les faibles. Une femme pour entreprendre doit être une guerrière ; elle doit se mettre en tête lorsqu’elle décide d’entreprendre qu’elle va livrer une guerre, car le parcours de l’entrepreneur n’est pas un long fleuve tranquille ; il est jalonné de beaucoup de difficultés et de bataille qu’il va falloir relever. Il faut être discipliné et surtout patient car les profits n’arrivent qu’avec le temps. Pour mon cas, après 10 ans de fonctionnement, je dirai que nous n’avons pas encore sorti la tête de l’eau.

Une femme qui souhaite entreprendre ne doit pas placer le gain et le profit en premier elle doit savoir que l’entrepreneuriat consiste à apporter des solutions aux problèmes auxquels sont confrontées des communautés. Tout cela viendra mais elle doit s’armer de patience et se consacrer à son entreprise comme l’on se consacre à une cause que l’on défend.

Qui êtes-vous quand vous n’êtes pas Chef d’entreprise, coach entrepreneuriale, etc ? Que faites-vous seule avec vous-même pour vous reposer et recharger les batteries ? 

Je suis Ruth, je suis mère, je suis grande sœur. Pour moi, il n’existe rien de plus important que la famille. Je m’y consacre à volonté. Par ailleurs j’aime voyager, découvrir de nouveaux paysages, de nouvelles cultures, de nouvelles cultures culinaires car fin gourmet, la cuisine est aussi l’un de mes passe-temps favoris. Ces activités me permettent beaucoup de déstresser et de faire le plein d’énergies.  

Une citation, un proverbe, un verset qui vous booste ? 

« Be the Change you want to see in the world»

Cette citation est de Gandhi. J’y tiens beaucoup et c’est elle qui m’inspire chaque jour. En effet, pour moi, chacun à son niveau doit implémenter des actions qui mènent vers l’accomplissement de ce qu’il voudrait que le monde soit. Tous les pays africains, souhaitent et malheureusement attendent le changement. Or loin d’attendre ce changement, ils doivent chacun à leur niveau, poser des actions qui y tendent. C’est cet ensemble d’actes-là qui favorisent l’atteinte de cet objectif commun qu’est le changement.  

Danielle Nganou

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