Hub Manager, mais aussi Business développer à ActivSpaces, Steve Tchoumba est un passionné du numérique qui a plusieurs cordes à son arc. Échanger avec lui, est d’autant plus plaisant qu’enrichissant. Sa large connaissance de l’environnement du digital et de l’univers entrepreneurial en font une personne ressource crédible. Il surfe d’un sujet à un autre avec une aisance en nulle d’autre pareille. Dans un entretien qu’il a accordé à JDM, il parle de son arrivée en Angleterre, les raisons de son retour au Cameroun, ses activités chez ActivSpaces et bien d’autres chose sur sa vie à découvrir.
En cinq mots qui est Steve Tchoumba ?
je dirais : créatif, passionné, artiste, émotionnel et… fou. (Rires). Je suis parfois un peu fou.
Vous êtes de nationalité Camerounaise, mais vous avez longtemps vécu au Royaume-Uni. Quelles études avez-vous fait ?
je suis parti du camerounais très jeune, j’ai fait mon lycée en Angleterre dans la plus belle ville du monde qui s’appelle Birmingham. Là-bas, où j’ai eu un baccalauréat international qui m’a conduit à l’université. Puis, j’ai fait des études en Relations internationales (RI) et en Sciences politiques à l’université de Coventry. J’ai également fait un post-graduate en Project management et enfin un post-graduate en éducation (PGCE). Et donc, j’ai été professeur de lycée pendant quelques années.
Pourquoi ce choix ?
À l’époque, après le bac en Angleterre, il y avait un processus d’intégration à l’université qui s’appelait Ucast. J’ignore à quoi cela fait référence aujourd’hui, mais c’est sur cette plateforme qu’on allait pour choisir les cinq meilleures universités qui nous intéressaient. Pour être honnête avec vous, j’ai cherché… mais je n’ai rien vu (Rires), rien ne m’intéressait. La seule chose qui semblait me parler, c’étaient les relations internationales. D’où mon choix
Au final, j’ai fait beaucoup de choix qui pour moi n’avait aucun sens : Relations internationales, puis éducation, car ma première entreprise faisait dans la formation en utilisant de l’art. Un jour, un ami pour qui je travaillais, et qui était par ailleurs directeur d’une école en Angleterre me dit : « écoute, ça nous coûte extrêmement cher de te recruter en tant que consultant. Est-ce que ça te dit de devenir professeur ? ». Il s’engageait à payer ma formation, puis à me recruter à la fin de celle-ci. C’est ainsi que je décide d’aller faire un PGCE.
Mais avant ça, j’avais reçu une lettre de félicitations de mon université m’invitant à suivre un cours en Project management. Ça avait l’air intéressant, et je l’ai fait. Aujourd’hui, toutes ces choses m’aident énormément dans le travail que je fais tous les jours. Aujourd’hui à ActivSpaces, il y a un nombre incalculable de RI que je dois faire chaque jour.
Pourquoi avez-vous décidé de revenir ?
Pour être honnête, je n’ai jamais voulu partir. Lorsque mes parents ont décidé de nous envoyer mes sœurs et moi en Europe, j’avais demandé à ne pas partir. Mon ambition était de rester le seul enfant à la maison, pour me faire gâter par mes parents. Mais malheureusement, j’ai eu quelques problèmes de santé assez graves qui m’ont fait partir en premier au final. Je n’ai jamais voulu partir. Là-bas, j’ai trainé avec beaucoup d’africains de tous les pays. Des personnes avec des cultures incroyables.
Des Jamaïcains, des gens d’Afrique central et autres. C’est à partir de là qu’est né en moi une envie de revenir au Cameroun, de contribuer à l’Afrique, de changer le monde, ou juste, de changer l’Afrique. En 2006 j’ai commencé à faire quelques petits voyages au pays pour voir mon père. En 2009, je suis revenu pour trois mois histoire de découvrir, connaitre notre culture, et j’ai été bluffé ! Enfin, en 2013 j’ai décidé d’emménager. Je pense qu’il y avait cette motivation de passer du temps avec mon père, d’améliorer mon pays et de contribuer au développement du Cameroun.
Et pourquoi avez-vous choisi ActivSpace ?
C’est l’inverse. C’est ActivSpaces qui m’a choisi. Comme beaucoup de choses dans ma vie, en fait. Comme je l’ai dit, j’ai un background en éducation et un background en Project management donc lorsqu’on m’a proposé d’accompagner des jeunes entrepreneurs voulant se lancer dans de nouvelles technologies, j’ai dit oui sans hésiter. Six ans plus tard, me voici.
Et à ActivSpace, vous êtes Hub Manager. En quoi cela consiste t- il ?
Véritablement ? Rien ! (Rires) j’ai une formidable équipe qui s’occupe de tout faire pour moi. J’ai des projets managers : un en comptabilité, en évènementiel, en communication digital, accompagnateur d’entrepreneurs et autres. Mon travail, c’est de superviser leurs travaux.
Est ce votre seule activité ?
Non, j’ai quelques activités que je gère même si AS prend 80% de mon temps. Je suis par exemple président de la Camair-tech, une association des Hub, d’innovations et des technologies au Cameroun. Je suis également investi dans deux-trois petites start-up au Cameroun.
Et « Gifted » ?
Gifted c’était une de mes initiatives qui est en pause en ce moment. C’est une entreprise que j’ai montée, il y a trois ans, qui faisait dans la distribution des manuels scolaires en ligne. Il y avait également RootCafé qui a fermé, c’était un petit café restaurant que j’ai monté il y a deux ans. Au jour d’aujourd’hui je suis investi dans deux start-up, une sur l’éducation et une autre sur l’énergie. Avec l’arrivée de la Covid, je me suis aussi intéressé à l’élevage, présentement j’ai un troupeau de bœufs et de vaches.
Qu’est-ce qui vous plaît le plus à AS ?
C’est l’opportunité qu’elle offre à tous. À moi et aux camerounais, celle de changer des vies. En particulier celles des camerounais et du Cameroun en général, car ce que nous essayons de faire c’est d’utiliser la technologie entrepreneuriale pour un développement économique, mais le développement économique commence par le développement humain. Et AS donne l’opportunité de transformer des vies, des personnes et le pays. Je pense qu’on a une vraie chance d’avoir un tel impact !
Samedi dernier vous avez assisté à la formation des hommes de média qui s’est tenue à JabaSpace. JabaSpace fait à peu près dans le même domaine que vous. Croyez-vous qu’il soit un concurrent pour AS ?
– Non. (Rires).
Pourquoi ?
Pour plusieurs raisons. Je pense que nous n’avons pas le même positionnement malgré le fait qu’on fasse quasiment dans le même domaine. Indirectement peut-être. C’est un acteur qui va sûrement bouffer un pourcentage dans la part du marché, mais s’il est un concurrent… je dirais oui et non.
Oui, parce qu’ils se positionnent dans l’accompagnement entrepreneuriale, non parce que nous ne nous positionnons pas forcément sur les mêmes segments. Par exemple sur les coûts. A Jabaspace, le coworking space vaut 80mille/mois, AS nous sommes à 25mille. Ce n’est pas pour dire que nous sommes moins chers, mais nous avons un service dédié à une classe spécifique d’entrepreneurs. Eux pareil. Ils ont ces prix car ils ont une clientèle spécifique. Ce n’est pas le même marché.
Dans le même évènement de ce samedi dernier un débat s’est tenu entre deux parties. Une partie qui encourageait les désireux à l’entreprenariat à quitter leur boulot, à prendre le risque de devenir entrepreneur et une deuxième partie qui soutenait qu’il faut être le meilleur salarié avant de devenir soi-même entrepreneur et probablement employeur. Votre avis sur la question ?
Je pencherais pour la seconde option. Quand on sort de l’université, il vaut mieux travailler pour quelqu’un. Il faut être un salarié. Ça offre des opportunités ; la première tant que vous pourrez faire des erreurs avec l’argent de quelqu’un d’autre (Rires).
Deuxièmement, vous pourrez voir comment diriger une entreprise et pourrez décider de comment vous souhaiterez la vôtre. Troisièmement, vous pourrez mettre de l’argent de côté pour votre entreprise, car créer une entreprise ce n’est ni gratuit ni donnée. Encore plus dans un pays comme le nôtre. C’est compliqué. Donc, travaillez ! C’est une très bonne chose. Puis allez monter votre entreprise.
Il se dit qu’un mauvais employé ferait un mauvais employeur. Êtes-vous d’accord ?
Je ne suis pas certain. Personnellement, je suis un mauvais employé. Demandez à mon boss, elle vous le dira. (Rires). Je pense que ça dépend du contexte. Mais la chose à retenir, c’est qu’avoir l’expérience en tant qu’employé est bénéfique si l’on souhaite être employeur.
Qu’est-ce qui vous passionne dans l’entreprenariat ?
– Le risque. L’entreprenariat c’est le courage et une fois de plus l’opportunité. Ça change des vies, crée de la richesse et de la valeur. C’est tout ce processus-là. Le choix du produit, son développement, sa propagation. Le fait que ce produit puisse répondre à un besoin. C’est un secteur d’activité qui est l’essence de notre entreprise.
Pensez-vous que n’importe puisse devenir un entrepreneur ?
L’entreprenariat n’est pas fait pour tout le monde. Je vous explique ! Allons sur la personnalité des gens.
Y a des personnes qui planifient. Ils ont un salaire à la fin du mois, ils s’organisent durant leur temps libre à faire tout ce qu’ils peuvent faire avec cet argent. Ils prennent des risquent.
Y’en a qui préfèrent réserver ce même temps libre à faire autre chose. Voir la famille, voyager etc. ces personnes-là ne sont pas des entrepreneurs mais ce n’est pas une mauvaise chose. Devenir entrepreneur n’est pas une obligation. Mais non malgré tout, l’entreprenariat n’est pas pour tout monde.
A quel point pensez-vous que la technologie soit importante pour le Cameroun ?
Je vais être direct. If we don’t do tech, we will die. Si la technologie ne fait pas partie intégrante de notre stratégie de développement, we will die. C’est aussi simple que ça.
Quelle serait le plus grand frein au développement au Cameroun selon vous ?
La corruption. Sans réfléchir. Les mentalités également. Il faut une volonté nationale, politique et économique de l’État pour qu’on puisse évoluer. Il faut que l’État s’engage, et je ne parle pas des fonctionnaires de l’État, mais de l’État dans son ensemble. Les citoyens y compris.
Pour en revenir sur votre travail, qu’espérez-vous voir devenir AS dans cinq ans ?
Quelqu’un me disait récemment, pourquoi pas ActivSpaces Global ? Ou au moins ActivSpaces Africa ? Aujourd’hui nous sommes à Douala, Buea, Bangangte. L’idée, ce serait de nous installer dans d’autres villes au Cameroun, et pourquoi pas sortir du Cameroun pour partager notre perspective du développement.
Et si vous pouviez parler davantage dans votre boulot, vous diriez qu’il en est quoi ?
Rencontrer des gens. Un tas de gens. Comme le dit le nom, ce sont des « Relations internationales ». Avec AS j’ai beaucoup voyagé et appris. Avant la Covid, en debout d’année, j’étais déjà à quatre ou cinq pays visités. Les voyages qui m’ont le plus passionnés sont ceux en Afrique. C’est inspirant, motivants, parfois déprimants, mais ça me pousse à vouloir faire mieux. À améliorer l’Afrique !
Et les inconvénients de faire dans ce que vous faites ?
Le premier inconvénient est particulier au Cameroun. (Rires) Je vous explique. Une partie de mon travail c’est de dresser le business des gens. Et donc, lorsque quelqu’un ici te présente son projet, et que tu casses ses espérances, tu deviens le méchant de l’histoire. Comme si c’était personnel. Pourtant, c’est ça mon travail. Je dois challenger le business des entrepreneurs qui viennent m’exposer leurs projets. C’est une question de personnalité. Ici, les gens prennent tout au premier degré. « It’s too personal ».
C’est certes normal mais ce n’est pas évident. Mais c’est la partie la plus difficile de mon travail. Construire une relation de confiance avec l’entrepreneur qui vient nous voir. Lui faire comprendre que tu ne le mets pas au travail parce que tu le détestes.
Vous considérez vous comme un modèle ? Vous conseillerez à quelqu’un de faire comme vous ? De suivre votre parcours professionnel ?
S’il peut, oui. Sinon, je pense qu’il est important de faire ce que notre cœur nous conseille de faire. Personnellement, je pense juste que j’ai été très chanceux, mais s’il faut obligatoirement dire quelque chose, je dirais « suivez mon exemple si ça peut vous aider ! ». On devient forgeron en forgeant. L’idée c’est de toujours s’améliorer et ça peut passer par l’imitation ou la prise de modèle.
Un dernier mot pour la fin ?
Honnêtement, dans la vie il vaut mieux faire ce qui nous parle le plus. Si cette chose vous permet d’évoluer sur le plan professionnel, il ne faut pas hésiter à la rentabiliser.
Ingrid Nkomo