Pour remédier au problème du chômage qui touche principalement la jeunesse camerounaise, au-delà des discours, il faut des décisions audacieuses et pragmatiques.
Bardés de diplômes, la fin des études pour la grande majorité des étudiants camerounais sonne le plus souvent comme le début d’un long calvaire dans la recherche d’un travail stable. Ils sont nombreux à frapper à la porte de l’emploi après de longues années d’études dans l’espoir d’être retenus, mais très peu ont la chance de se frayer un chemin dans le monde professionnel. Même après avoir passé des stages pré-emploi. Une situation très frustrante pour eux, davantage pour les parents qui ont dépensé d’énormes sommes d’argent en espérant donner une chance à leurs progénitures de pouvoir se prendre en charge une fois les études terminées. Chaque année, le flot d’étudiants qui sortent des grandes écoles de formation en caressant le rêve de trouver un emploi décent vient tout simplement augmenter le taux de chômage et de sous-emploi qui sévissent au Cameroun.
L’inadéquation des besoins du marché avec les formations transmises est la première cause du chômage des jeunes camerounais. Certains modules d’enseignement sont aujourd’hui obsolètes. Ils ne correspondent plus aux attentes actuelles. Ce n’est qu’une fois sortie de l’école que la réalité est difficile à encaisser pour les demandeurs d’emploi. Le monde évolue, les modèles d’enseignement aussi en fonction des défis auxquels les entreprises doivent faire face. Le diplôme à lui seul n’est plus une garantie pour trouver un bon boulot. Il faut des profils qui ont une formation qualifiante. « Le marché du travail camerounais se caractérise par des milliers de jeunes diplômés à côté desquels on retrouve deux millions de personnes qui n’ont pas de métiers, parce qu’elles n’ont pas de qualification. Il faudrait pour ce faire, faire converger nos efforts pour renverser cette mauvaise tendance en changeant de paradigme et de perceptions vis-à-vis de la formation professionnelle.» faisait savoir Issa Tchiroma Bakary, ministre de l’emploi et de la formation professionnelle en 2019 lors d’une conférence internationale portant sur l’insertion professionnelle des jeunes camerounais. Le même ministre dans une de ses sorties avait fait savoir que les jeunes devaient plutôt s’orienter vers les filières où ils auraient plus de chance de trouver un emploi rapidement. Une manière pour lui de montrer du doigt l’importance de l’orientation académique avant de choisir quelle formation suivre. Et beaucoup de jeunes étudiants se retrouvent aujourd’hui coincés parce qu’ ils n’ont pas pris le temps de bien s’informer sur les débouchés de certaines filières.
Le paradoxe dans la problématique du chômage des jeunes, c’est le fait qu’il y ait des jeunes hautement qualifiés, mais qui éprouvent des difficultés à accéder à un emploi conforme. D’après une enquête réalisée par l’Agence camerounaise Arch, spécialisée dans les études et conseils en management de ressources humaines. Il ressort que le problème du chômage des jeunes au Cameroun se justifie aussi par certaines décisions qui ne sont pas toujours objectives. Au niveau des recrutements, les choix des candidats sont faits la plupart du temps sur la base des affinités qu’ils peuvent avoir les recruteurs et non par rapport à leurs performances, soit aussi par rapport à l’établissement fréquenté. Un étudiant sorti d’une université ayant une bonne réputation, aura plus de chance qu’un autre venant d’une université moins connue. Une discrimination qui a vite fait de jeter le discrédit sur certaines structures auprès des jeunes qui les considèrent comme la chasse gardée d’une classe de personne.
Proposition de la banque mondiale
Pour aider le gouvernement camerounais à faire face au problème de chômage des jeunes, la banque mondiale a publié sur son site un document sur lequel elle donnait quelques pistes de solutions. Face au rôle que le secteur privé peut jouer dans la création d’emplois, tout le problème va consister à mobiliser ces acteurs pour adapter la formation à leurs attentes dans des domaines qui, comme l’agriculture, sont considérés comme d’importants contributeurs à un renforcement de la productivité. L’une des solutions consiste à développer des partenariats public-privé pour assurer la gouvernance, la gestion et le financement des établissements de formation professionnelle. Une autre solution revient à adopter des politiques efficaces pour favoriser l’embauche de jeunes dans les entreprises privées, en tant que stagiaires ou salariés.
Le secteur public n’est pas en reste pour remédier à cette situation. Seule une réforme du système de gouvernance des établissements d’enseignement supérieur permettra de garantir la responsabilité et l’obtention de résultats. Par ailleurs, le financement axé sur la performance devrait inciter les universités et les établissements techniques à améliorer la qualité et la pertinence de leurs cursus. Enfin, l’introduction d’un mécanisme d’assurance qualité pourrait contribuer à remédier au décalage entre l’offre et la demande.
En impartissant aux jeunes Camerounais le type et le niveau de qualifications dont les marchés du travail actuels ont besoin, le pays offrirait de bien meilleures perspectives d’emploi à cette jeunesse, ainsi qu’à leurs parents et à leurs enfants, créant ainsi une dynamique vertueuse efficace contre la pauvreté.
Il faut créer de nouvelles opportunités d’emploi. De nombreux secteurs sont encore en plein développement au Cameroun et ils ont besoin d’accompagnement. On va citer l’agroalimentaire, le digital, l’agriculture, les industries d’habillement pour ne que les citer. Ce sont les secteurs sur lesquels le gouvernement peut apporter son appui en collaborant avec les personnes qui ont décidé d’entreprendre dans ses filières. L’insertion socio-professionnelle est rapide, la main d’œuvre est fonction du besoin. Combattre le chômage demande des décisions courageuses qui ne se limitent pas seulement à la rédaction des textes. Il faut du concret, et pour cela, il doit y avoir une bonne coopération entre l’État, les entreprises et les écoles de formation. On doit plus former les personnes qui vont raser les murs, mais plutôt celles qui seront capables d’être opérationnelles une fois la formation terminée ou qui pourront se mettre à leur propre compte. Moins de discours, mais plus d’actions.
La jeunesse camerounaise a aussi sa part de responsabilité. La plupart se complaisent à faire dans la facilité. C’est vrai que les offres d’emploi ne courent pas les rues, mais en attendant ils ont la possibilité de développer ou d’améliorer leurs compétences. Internet est là pour cela. Sur la toile, les opportunités en termes de formation sont illimitées, il suffit de faire les recherches en fonction du besoin. Les contenus sont riches et variés, ce qui permettrait à tout un chacun de se former dans le domaine qui me plaît. Ce qu’ils n’arrivent pas à faire, préférant plutôt se lancer dans des initiatives lugubres juste pour faire le buzz. Encore que, même les codes de ses réseaux sociaux qu’ils utilisent pour publier du contenu, ils ne les maîtrisent pas toujours. La connaissance est gratuite sur la toile, il revient donc à chaque jeune camerounais d’en tirer profit pour se démarquer.
Charles Binelli