Dossier Mode (Partie2)
Notre dossier mode nous a conduit à Krys Ebongue Kingue, jeune designer camerounais qui se démarque par sa créativité. Il fait partie de la nouvelle génération des acteurs de la mode camerounaise qui inspirent par leur parcours et leurs créations tant originales qu’élégantes. Arrivé dans la mode par pure hasard et l’appétit venant en mangeant, il fait aujourd’hui partie des porte-étendards du made in Cameroon dans le monde.
Peux-tu te présenter à nos abonnés
Je suis Krys Éboulé Kingue, designer, directeur artistique et promoteur de la marque Eking.
Parle-nous de EKING
Eking c’est mon bébé qui a vu le jour il y a 7 ans. C’est vrai que le projet a débuté par un sac à dos. à la base c’était plutôt des accessoires que le vestimentaire. Nous avons pivoté vers le vestimentaire pour plusieurs raisons: déjà la lenteur des artisans avec lesquels on travaillait et aussi la demande. Les clients étaient prompt à venir prendre des vêtements que des sacs (qui mettaient plus de temps à sortir) et enfin, nous avons été confrontés à plusieurs artisans pas très fairplays qui prenaient nos créations pour se les approprier ou les proposaient à d’autres marques. Mon inspiration? je la tire de tout ce qui m’entoure, la musique, le cinéma, mes voyages, et je regarde ce qui se fait ailleurs, les tendances etc. Je dirais que ce qui nourrit ma créativité c’est l’apprentissage constant. Par exemple, pour notre collection voyage on s’est beaucoup inspiré du passé et avons essayé de mettre l’accent sur les différents types de timbres, les anciens et les nouveaux, une sorte de mariage entre le moderne et le traditionnel.
D’où pars-tu pour la mode?
j’ai un Master en marketing et en négociation commerciale. J’occupais un poste de responsable marketing dans une boite de la place et pendant mes heures creuses, j’ai commencé à dessiner des modèles. Il faut dire qu’à cette période, j’étais en couple avec une personne très portée vers la mode qui m’inspirait énormément et ensemble, on a commencé à se projeter et envisageons de mettre sur pied une marque. Par la suite j’ai continué l’aventure tout seul et c’est ainsi que EKING est née. EKING est non seulement la composition de mes deux noms mais également son sens de ma tribu (douala) et s’entend dans le sens où nous souhaitons rendre tout le monde roi et reine par nos créations uniques. Ma vision c’est de faire de EKING une marque internationale et vendre le made in Cameroon au travers d’elle.
En peu de temps, tu as réussi à te frayer un chemin dans l’univers très élitiste de la mode au Cameroun. Qu’est-ce qui, selon toi, t’as facilité l’accès à cet univers?
je dirais le fait de travailler gratuitement (rires). On en rigole mais c’est vrai. J’ai débuté dans ce milieu à travers la photo, certes j’avais déjà ma marque (pas encore connu à l’époque) mais je travaillais en tant que DA pour Gerysann et certains projets vidéos avec Adah Akenji et je ne mettais pas l’argent devant, je voulais apprendre, voir comment ça se passe. Je conseille toujours aux jeunes de s’investir dans des projets qui vont les grandir, pas forcément leur donner de la visibilité mais les amener quelque part. Faites tout pour que votre travail et votre réputation soient à votre avantage.
Comment as-tu eu ton premier client?
J’avais juste posté sur WhatsApp, en disant qui veut porter ma création et c’est un bon ami à moi de la fac, qui avait été mon premier client et après tout s’est enchaîné.
EKING est une PME, comment arrives-tu à vendre et à faire du chiffre quand on sait que la classe moyenne a un pouvoir d’achat très limité? Arrives-tu aujourd’hui à vivre pleinement de EKING?
J’ai eu la chance d’avoir un point de vente à Bali dans une boutique et c’est vrai que ce n’est pas évident, il y a des moments avec et des moments sans. Personnellement, mes revenus ne dépendent pas uniquement de EKING, je suis également directeur artistique et modèle publicitaire ce qui fait que parfois je finance jusqu’au loyer de EKING tout comme il y a des jours plus radieux.
Qui sont tes principaux clients et par quel canal les drive tu?
Les clients sont plutôt jeunes, dynamiques, créatifs et audacieux. Ce sont des personnes qui n’ont pas peur du regard de l’autre et qui aiment se démarquer et se faire remarquer. La plupart sont des jeunes cadres, la diaspora et les artistes. Instagram est le principal canal de communication mais ma visibilité vient aussi de mes collaborations (en tant que DA) où j’insère souvent certaines de mes créations, également du bouche à oreille (recommandation). Je pense que les créations de EKING ont le chic pour faire retourner les gens et capter leur attention.
Récemment, tu étais en Côte d’Ivoire pour habiller les candidats de Mister Côte d’Ivoire. Raconte-nous cette aventure?
Je tiens tout d’abord à remercier le comité d’organisation de Mister Côte d’Ivoire pour cette opportunité, je ne m’y attendais réellement pas. J’avais reçu un message via Instagram et honnêtement, j’avais rigolé pensant à une blague et je n’avais pas répondu. C’est un de mes clients qui me relance et c’est là que je prends la chose au sérieux. On m’a proposé d’habiller les candidats tout frais payé. J’ai été très bien accueilli et tout s’est bien passé, les tenues ont été appréciées et moi j’ai appris tout en faisant de nouvelles connaissances. Ce qui m’a le plus marqué c’est lorsque j’ai fait mon passage avec le drapeau qui flottait derrière, savoir que je représentais mon pays, ça m’a fait un pincement au cœur.
Sais-tu pourquoi le choix s’est porté sur toi alors qu’il y a beaucoup de créateurs aussi talentueux que connus en Côte d’Ivoire?
Je vais tout mettre sur mon travail. c’est mon travail qui a fait que ce client (devenu mon amie au fil du temps) me recommande et défende mon profil auprès du comité d’organisation.
Le secteur de la mode est encore très balbutiant dans notre société. Que faut-il,selon toi, pour que ce secteur éclore?
Ce n’est pas évident surtout que beaucoup n’ont pas la chance d’être soutenus par leur famille ou d’avoir certaines facilités, connaître les bonnes personnes. Mais tout c’est le travail. On est dans un environnement qui ne facilite vraiment pas les choses et c’est difficile pour tout le monde parce que même moi il m’arrive de vouloir claquer la porte surtout lorsque tu vois ton travail valorisé à l’extérieur alors qu’au Cameroun ce n’est pas le cas. La vérité c’est que le camerounais ne consomme pas encore local, lorsqu’il voit une chemise à 30.000 Fcfa, il voit juste le prix oubliant qu’il achète une œuvre d’art. De plus, entre la matière première et la main d’œuvre qui coûte chère ici, ce n’est pas évident pour les créateurs. Pour moi ce n’est que la persévérance dans le travail bien fait.
Nadia Ed