Sommet France – Afrique: Des Résolutions pas convaincantes ….

La jeunesse africaine qui a été mise au premier plan de cette initiative n’y est pas allée dans le but de recevoir des leçons, mais d’en donner.

Le nouveau sommet Afrique-France s’est achevé vendredi dernier à Montpellier, après plusieurs heures d’échanges entre le président Français et onze jeunes de la société civile. À la fin de cet évènement qui a vu la participation de 3000 personnes, de nombreuses résolutions ont été prises pour mettre en place un nouveau contrat de partenariat entre la France et l’Afrique. Mais celles-ci ne font pas l’unanimité au regard des grandes attentes de la jeunesse africaine par rapport à ce sommet. 

Le nouveau sommet Afrique-France sans chef d’État africain s’est clôturé sur une ambiance mitigée. La jeunesse africaine qui a été mise au premier plan de cette initiative n’y est pas allée dans le but de recevoir des leçons, mais d’en donner. Pas habitués à ce type de concertation où ils doivent s’adresser directement à un président étranger, contrairement à leurs dirigeants qui le font très souvent, les jeunes africains n’ont pas eu le complexe à se faire entendre.

Sans langue de bois, ils sont venus dire ce qu’ils ne veulent plus, mais ce qu’ils aimeraient voir sur le continent. Dans leurs joutes verbales, ils n’ont pas été tendres envers le locataire de l’Élysée. Durant plusieurs heures, ils ont dénoncé avec la dernière énergie le comportement de la France dans la gestion des politiques dans certains États africains. Ils ont fait entendre leurs aspirations pour une autre Afrique plus compétitive, créatrice et développée.

Un moment historique certes, mais beaucoup de leçons à tirer. Surtout au regard des échanges serrés qu’il y a eu entre le président de la France et certains jeunes leaders choisis pour parler au nom de l’Afrique. Si pour le pays hôte ce rassemblement était une réussite, les Africains de leur côté pensent plutôt que c’était encore une mise en scène et rien de plus.  

Ce qu’ils ont dit au nom de l’Afrique

Ils étaient en tout au nombre de onze personnes à descendre dans l’arène des échanges avec Emmanuel Macron. Six femmes et cinq hommes de la société civile issus de plusieurs secteurs d’activités. Eldaa Koama, entrepreneuse burkinabè engagée dans le numérique et le social, Lova Rinel, présidente du Conseil représentatif des associations noires (Cran), Adam Dicko, activiste malienne, Adelle Onyango, créatrice de podcast, Sandrine Naguertiga, entrepreneuse et blogueuse, Amina Zakhnouf, cofondatrice marocaine d’un incubateur de politiques publiques, Aliou Bah, qui préside un petit parti politique guinéen, Ateki Seta Caxton, un camerounais qui milite pour la participation citoyenne des jeunes, Arthur Banga, universitaire et chercheur ivoirien, Sinzo Aanza, écrivain et Cheikh Fall, blogueur et cyber activiste sénégalais. Et c’est la camerounaise Koyo Kouoh, la directrice du Zeitz museum of contemporary art en Afrique du Sud qui était la première à interpeller le président de la France sur la question de la culture. Elle a commencé son propos en parlant des artistes africains qui ne bénéficient pas d’un soutien de la France dans la réalisation de leurs projets. Ils sont nombreux depuis ces dix dernières années qui n’ont jamais été montrés en France. Pourtant de nombreux musées possèdent des œuvres originaires d’Afrique.  

La suite des échanges sera très engagée, notamment avec la sortie de l’écrivain congolais Sinzo Aanza qui va commencer sa prise de parole par la lecture d’un extrait de texte de son livre. « l’Afrique d’aujourd’hui que malgré tout le vacarme qu’on entend, malgré toute la négativité dans l’actualité sur le continent, il y a de la vie, des gens qui vivent, qui aiment, qui réalisent ».

Pour lui, il faut se défaire des clichés qui réduisent toujours l’Afrique à la pauvreté, aux guerres, à la maladie et autres. Un point de vue réitéré par Sandrine Naguertiga la représentante du Mali

« En dépit de tout ce qu’il se passe, la jeunesse a cette envie de changer les choses ».

Un changement aussi pour le représentant du Cameroun  Ateki Seta Caxton qui en appelle de tous ses vœux «  Nous sommes ici pour dire avec honnêteté et sincérité, ce que ces relations ont été, ce qu’elles sont et ce que nous souhaitons qu’elles deviennent. “Souhaiter” n’est même pas le bon verbe car ces relations doivent changer. » déclare-t-il. Pour l’avenir, Arthur Banga entrevoit la relation entre la France et l’Afrique autrement. Voici son argumentaire: « On ne parlera plus d’aide ou de développement, mais de partenariat et de co construction. C’est fini du franc CFA, l’Afrique aura sa propre monnaie. Les bases militaires ont fermé et laissé leur place à des armées indépendantes. 2030, c’est de la prospective à court terme. Le chemin est semé d’embûches, mais nous allons le parcourir ensemble ». 

Des résolutions…

Malgré la pression qu’il avait dans la salle pendant les échanges, pour les autorités françaises, c’était une belle expérience, un tournant décisif, une rencontre qui marque une nouvelle ère, une nouvelle vision de la politique française en Afrique. Mais c’était surtout une approche subtile pour encourager la jeunesse africaine à s’intéresser à la chose politique. C’est sous fond de promesses et d’engagements que les 3000 personnes qui ont assisté au nouveau sommet Afrique-France se sont séparées. Le président Français a annoncé la création d’un fond d’innovation pour la démocratie en Afrique, ainsi que plusieurs autres initiatives. Le tout pour une enveloppe de 30 millions d’euros sur trois ans. Il a également annoncé la restitution de 26 œuvres d’arts en fin octobre au Bénin, puis à la Côte d’Ivoire. Mais pas encore assez pour calmer les associations qui réclament toujours le retour total des œuvres d’art à leurs propriétaires. 

Pour la plupart des observateurs et analystes politiques, ses résolutions ne changeront vraiment rien dans la politique que la France mène en Afrique. Au contraire, c’est juste pour la maintenir dans une certaine dépendance vis-à-vis d’elle. Didier Acouetey d’AfricSeach estime pour sa part que ce nouveau sommet, hormis le format sur lequel il s’est déroulé, c’est-à-dire les jeunes ont pu parler sans filtre au président, il n’y a pas eu de grandes révélations à la hauteur des attentes de l’Afrique. Ce n’était que de la rhétorique, puisque la plupart des sujets mis sur la table de discussion ne datent pas d’aujourd’hui. Notamment sur la colonisation, la démocratie en Afrique et le Franc CFCA pour ne citer que ces quelques sujets très sensibles. À chaque fois, Paris se positionne comme un protecteur de l’Afrique. Ce côté paternaliste décrié lors des échanges qui n’est d’ailleurs pas prêt de s’arrêter. Sur le cas de la monnaie, le rêve pour les jeunes africains de voir le Franc CFA disparaître va encore attendre. Au final, il y a des réponses, mais encore plus des questions au lendemain de ce sommet.  

En invitant la jeunesse africaine à la place des chefs d’États, le président français a voulu faire passer un message : celui du renouvellement de l’élite politique. Si beaucoup estiment que c’est avec la complicité de la France que certains présidents durent au pouvoir. Emmanuel Macron a montré à travers ce nouveau sommet qu’il souhaite voir de nouvelles personnes à la tête des gouvernements. Que la démocratie ne se limite seulement à la théorie, mais aussi à la pratique. Devant l’assistance, il a reconnu que la France a certes sa part de responsabilité qu’elle assume déjà, mais que les dirigeants africains doivent aussi accepter leur part de culpabilité. Une manière de prendre à témoins la jeunesse africaine qui ne cache plus son sentiment antifrançais. Parfois légitime, mais aussi à tort selon le président de la France. Conscient de cela, Paris veut rebâtir une nouvelle relation avec ses anciennes colonies. Et c’est tout à son intérêt, car la Chine et la Russie sont en train de gagner du terrain en Afrique. Le France ne veut donc pas perdre son leadership au détriment d’une autre nation dans son pré carré.

Son exercice de charme à Montpellier marque-t-il le début d’une véritable rupture avec la France – Afrique ?

Charles Binelli

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    gateio hangi ülkenin

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