CRISE : LES RÉSURRECTIONS DES ANCIENS DÉMONS DU CAMEROUN.

La vérité est que, si les textes de la constitution camerounaise étaient respectés, ces nobles citoyens n'auraient pas ressenti le besoin d'employer la grève qui s'est révélée être le moyen ultime, pour enfin faire parvenir leur détresse criarde

RÉTROSPECTIVE

L’histoire du Cameroun est riche en enseignements et événements qui font la fierté et la grandeur de cette nation. Partant de l’arrivée sur les côtes en 1472 du navigateur Fernando Poo , qui inspirera d’ailleurs le nom du pays en l’appelant «Rio dos Camaroes», qui signifie « Rivière de crevettes ». Lequel nom évoluera avec les Allemands et  les Français, pour aboutir au nom actuel : CAMEROUN.   Puis, de 1884 avec la signature entre les Chefs Douala et l’Allemagne, du Traité d’assistance qui marque le début de l’ère coloniale allemande au Cameroun ; jusqu’en 1918, en passant par l’ère coloniale franco-britannique, de 1918 à 1960.

Kamerun — Wikipédia

C’est la période coloniale franco-britannique qui est considérée comme la genèse du contexte sociopolitique et linguistique actuel du Cameroun. La suite des événements qui retiennent notre attention et, qui se trouvent être déterminant dans la crise sociopolitique et linguistique actuelle que traverse le Cameroun, remonte au 11 février 1961, puis  en 1972, 1984, et de 2016 à nos jours.

L’ONU dans sa résolution 1352 adoptée en Assemblée Générale en 1959, qui visait à faciliter l’accès à l’indépendance des territoires, sollicita un plébiscite dans la partie occidentale du Cameroun, jadis sous -tutelle de la Grande-Bretagne. Les deux questions posées consistaient à savoir si ce territoire voulait accéder à l’indépendance en se reliant soit au Nigéria, soit au Cameroun. 

A l’issue du référendum, le Nord majoritairement musulman, sollicite le Nigéria et le Sud principalement chrétien, choisit de se joindre au Cameroun, pour former la République fédérale du Cameroun. Le 20 mai 1972, à la suite d’un référendum, la République fédérale est remplacée par l’État unitaire. En 1983, l’État unitaire cède la place à la République du Cameroun.

Le Cameroun en 1972 - Osidimbea La Mémoire du Cameroun ...

ORIGINE  ET CHRONOLOGIE DE LA CRISE DU NOSO

La crise du NOSO se déclenche le 11  octobre 2016 à Bamenda, avec la descente dans la rue des Avocats. Ils avaient comme principales revendications, la traduction en langue anglaise des actes uniformes de l’OHADA, la création d’un département de la Common Law à l’ENAM, l’affectation des Magistrats anglophones dans les Cours du NOSO, la traduction en anglais des textes de loi votés à l’Assemblée nationale, ainsi que la réglementation de la Communauté Economique et Monétaire de l’Afrique Centrale (CEMAC).

Les avocats anglophones en grève contre le monopole du français au ...

Le 21 novembre 2016, c’est au tour des enseignants du secondaire de se piéter contre le déploiement d’enseignants francophones dans les établissements anglo-saxons, qui ne sont pas qualifiés pour l’enseignement dans le système éducatif anglophone.

Les Avocats s’insurgeaient sur le fait que le système juridique anglo-saxon ne soit pas en vigueur dans les régions du NOSO. Les enseignants étaient en colère du fait que le système éducatif francophone soit plus valorisé, de surcroit dans les zones anglophones, mettant ainsi en mal la préservation de la spécificité linguistique des régions du Nord-ouest et du Sud-ouest. 

Or, le Cameroun se veut un pays bilingue (français et anglais) et donc de ce fait, biculturel.  Ceci signifie que le bilinguisme du Cameroun n’est pas uniquement linguistique, lorsqu’on sait que la langue véhicule la culture, qui elle-même est l’ensemble de structures sociales, de manifestations intellectuelles, artistiques et religieuses qui définissent un peuple.

Le 08 décembre 2016, les choses dégénèrent à Bamenda.  Tout part d’un meeting du RDPC,  parti au pouvoir, qui tentait d’escamoter la situation. Les manifestants s’étaient opposés à la tenue de ce meeting qu’ils considéraient comme une provocation. Les forces de sécurités ont été appelées en rescousse pour disperser les manifestants. Le  bilan officiel, bien que contesté par les manifestants, est de deux morts, plusieurs blessés et de multiples arrestations.  Un mois après cette échauffourée, le consortium de la société civile du Cameroun anglophone lance l’opération « villes mortes », afin de faire pression sur Yaoundé et, obliger le gouvernement à trouver des solutions satisfaisantes aux revendications des Avocats et enseignants de la partie anglophone du Cameroun.

Cameroun/Université de Buea: l'étau se resserre sur Me Félix Agbor ...

Suite à cet affront, le 17 janvier 2017, le NOSO est privé de connexion internet et plusieurs activistes du consortium dont le Président Me Agbor Felix Nkongho, sont arrêtés.  Le 20 janvier, le gouvernement rend publics une dizaine de textes traduits en anglais, dont l’acte de l’OHADA. Mais les grévistes n’étaient pas satisfaits. Quatre jours plutard, le 24 janvier, la Commission Nationale pour la Promotion du Bilinguisme et du Multiculturalisme, voit le jour. A sa tête, Peter MAFANY MUSONGE. Un ancien premier ministre originaire du Sud-Ouest.  La connexion internet sera rétablie le 20 avril 2017, sur instruction du Chef de l’État.

Bien qu’ayant ordonné l’arrêt des poursuites contre une quinzaine de leaders anglophones, la rentrée scolaire du 04 septembre 2017 n’a fait qu’aggraver la situation dans le NOSO. Puisque c’est à cette période que les sécessionnistes vont réclamer l’indépendance d’un pseudo État, en interdisant aux élèves l’accès aux établissements, allant jusqu’à brutaliser ceux des élèves qui venaient braver l’interdiction. C’est alors que Yaoundé déploie l’armée sur le terrain, afin de sécuriser les civils (les élèves et enseignants). En signe de riposte, les activistes s’attaquent à la Police à Bamenda, en faisant exploser une bombe qui fera trois blessés dans les rangs des Forces de Sécurité.

Le 22 septembre marquera un tournant décisif dans la suite des évènements.  En effet, ce jour, des milliers de personnes inondent les rues du NOSO pour réclamer l’indépendance de l’État virtuel d’ « Ambazonie », brandissant les drapeaux bleu et blanc dudit État et des arbres de paix. Ils seront freinés dans leur élan par les Forces de Sécurité, après des heurts. Le bilan officiel du ministre de la Communication de l’époque, fait état de sept morts. Quelques jours plutard, les drapeaux de l’ « ambazonie » seront hissés sur les espaces publics.

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Le 1er octobre qui représente une date historique et symbolique pour le Cameroun, des heurts éclatent à nouveau entre manifestants et Forces de l’Ordre. Le bilan s’en va grandissant de plus en plus. Amnesty International estime à plus de 20, le nombre de morts. Ce même jour, le président autoproclamé de la pseudo république d’ « ambazonie », SISIKU AYUK TABE, prononce un discours des plus provocateurs sur la télévision de propagande séparatiste, SCNBS, envoyant ainsi un message fort à Yaoundé qui, jusque-là, croyait maîtriser la situation.

S’en suivront des actes des «  amba boys » qualifiés de terroristes, ainsi que de nombreuses tentatives de Yaoundé d’emmener sur la table des négociations, les leaders du mouvement sécessionniste, qui se seront vaines et stériles. L’arrestation de SISUKU AYUK TABE ainsi  que quelques-uns de ses partisans, le 05 janvier 2018 au Nigéria, ne va arranger les choses. (Pour une chronologie plus détaillée consultez : Lassaad Ben Ahmed, Cameroun-crise anglophone : les principales dates d’une insurrection « chronologie »).

Les villes mortes, boycott, enlèvements, poses de bombes, pillages, assassinats et autres actes de terreurs, constituent le quotidien des populations du NOSO jusqu’à nos jours. Même le Grand Dialogue National du 30 septembre au 04 octobre 2019, n’a pas mis fin au  conflit qui oppose Yaoundé aux séparatistes anglophones du NOSO. Toutefois, cette concertation a défini certaines stratégies pour y parvenir. Mais sur les faits, le concret se fait encore prier.

DES REVENDICATIONS CITOYENNES FONDÉES AU SÉCESSIONNISME : FAISONS FONDRE LE FER.

Les grèves du 11 octobre et 21 novembre 2016 étaient légitimes. Des réclamations des citoyens soucieux de préserver leur identité culturelle et plus encore d’améliorer leur quotidien et condition de travail.  La vérité est que, si les textes de la constitution camerounaise étaient respectés, ces nobles citoyens n’auraient pas ressenti le besoin d’employer la grève qui s’est révélée être le moyen ultime, pour enfin faire parvenir leur détresse criarde qu’ils déplorent depuis bien des années.

La constitution du Cameroun a été rédigée par des hommes aguerris, avertis et sagaces, imprégnés de l’histoire et qui mesuraient bien les enjeux et les défis de l’unité nationale. C’est pour cette raison qu’il a été choisi d’unir deux peuples aux cultures divergentes, à condition que les deux parties soient traitées avec équité et impartialité.

Au Cameroun, la sale guerre derrière la «crise anglophone ...

La situation sociopolitique et linguistique actuelle du Cameroun avait été visualisée, bien avant nous qui nous déchirons aujourd’hui, pour défendre un héritage colonial qui ne nous sert finalement pas tant que ce que l’on pourrait penser.  Ce conflit est résolu dans la constitution de notre pays. Si donc nous sommes arrivés à accomplir l’exploit de renouer avec nos démons jadis maîtrises et envoyer aux enfers par nos ancêtres, nous ne pouvons qu’en vouloir à nos égos et esprits grégaires malavisés. 

Comment a-t-on pu donner l’occasion à nos démons de revenir nous hanter ? Si l’on s’en tient à la doctrine religieuse, ce qui ouvre la voie aux démons dans nos vies, c’est le péché. Oui, nous avons péché !  En ceci que nous avons négligé pendant des années, les cris d’angoisses, de solitude, de rejet et de frustrations de nos frères du NOSO. Nous avons érigé l’égo et le tribalisme en valeurs,  au lieu de prôner un vivre ensemble inclusif pour une meilleure intégration des communautés. 

Nous avons fait la sourde oreille et joué les indifférents, devant la détresse de nos frères. Pire, nous n’avons jamais essayé de comprendre leur peine jugée par nous légère et fictive.  Oui, ils sont marginalisés ! Et c’est nous, leurs propres frères qui les piétinons. C’est nous qui les étouffons. C’est encore nous qui les asphyxions.

Et que fait-on lorsqu’on est mal compris ou incompris ?  Que fait-on lorsqu’on se sent offusqués, frustrés et opprimés ? On se braque. On se radicalise. On claque la porte. On devient intolérant et indifférent. Maintenant, le fer a refroidi et le forgeron ne peut plus le battre pour qu’il ait la forme désirée. Il n’y a donc qu’une solution, faire fondre le fer et lui redonner la meilleure forme qu’il soit.

Nadia Edzengte

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