Fabrice Tueche , De la passion à l’action

Je pense que nous avons une jeunesse riche de savoir et que comme certains pays développés tel que l’Allemagne, nous devons fonder nos richesses sur le savoir et les compétences de notre population plutôt que sur des ressources naturelles

En observant ceux qui connaissent le succès, on remarque très vite que ce sont des personnes qui ont beaucoup de traits en commun. L’une de ces choses c’est la passion. Le monde entier est rempli de personnes qui ont du succès et qui ont réussi, l’Afrique n’en est pas des restes; cette nouvelle génération de « disruptors », se veut parmi ceux qui changent le monde, leur monde en particulier et ceci non seulement afin de déposer leur empreinte sur le sable du temps, mais aussi pour laisser un héritage qui aidera à améliorer les vies des personnes qu’ils veulent impacter à tout jamais. 

Fabrice Tueche est l’un de ces « perturbateurs » qui veut voir son nom et ses créations intemporels. Le jeune ingénieur biomédical Camerounais de vingt-sept ans s’est engagé à être parmi ceux qui améliorent le secteur de la santé pour les africains et les Camerounais en particulier. De manière autodidacte, il s’est paré de l’informatique pour compléter ses connaissances afin de créer des équipements qui apportent des solutions avec des fonctionnalités qui tiennent comptent de nos réalités africaines. 

Du rêve, à la passion en passant par l’apprentissage pour arriver à la réalisation, JDM a décidé de rencontrer ce superman africain pour qu’il nous parle de son parcours, de ses rêves et surtout pour qu’il nous donne des infos inédites sur ses projets futurs. Marchez avec nous sur ses traces, au pas de notre petit questionnaire. 

Bonjour Fabrice. C’est un honneur de pouvoir vous interviewer. Vous êtes ingénieur biomédical. Pouvez-vous nous résumer ce que cela signifie ?

Sur le plan professionnel, je suis software/hardware developer avec une formation en ingénierie biomédicale. L’ingénieur biomédical est un spécialiste des matériels et des équipements de haute technologie destinés au secteur hospitalier, aux établissements de soins et aux professionnels de la santé. Il supervise aussi une équipe de techniciens biomédicaux. 

Comment ont été vos études sachant que le contexte africain n’est pas toujours évident surtout pour un apprentissage qui se veut plus pratique que théorique. Êtes-vous réellement satisfait de vos études ?

Je suis d’accord avec le fait que les études dans notre pays sont plus théoriques que pratiques. Personnellement, je ne dirais pas que je suis satisfait de ces conditions. Je pense que nous avons une jeunesse riche de savoir et que comme certains pays développés tel que l’Allemagne, nous devons fonder nos richesses sur le savoir et les compétences de notre population plutôt que sur des ressources naturelles. Quand j’ai terminé mes études, j’ai eu la chance de commencer ma carrière avec des ingénieurs de la diaspora et ce fût un renouveau pour moi sur le plan intellectuel. Chaque jour pendant presque 5 ans était un nouveau challenge. Il fallait se surpasser, travailler dur, faire beaucoup d’heures supplémentaires pour combler ce fossé. Ce qui n’est pas normal compte tenu des millions que mes parents ont dû débourser pour mon éducation.

Si vous pouviez apporter une valeur au système éducatif africain, quelle serait-elle ?

Si les personnes qui sont formées dans nos écoles continuent d’être recruté à des postes sans créativité ni innovation, et que ce sont ces mêmes personnes qui doivent enseigner nos enfants alors il est tout à fait normal qu’ils reçoivent ce que moi j’ai reçu. L’industrialisation apporte de la valeur à l’éducation. Voilà pourquoi en tant qu’ingénieur je veux créer des entreprises de production. Nous pouvons créer nos propres machines, nous avons toutes les aptitudes pour le faire et en travaillant avec la diaspora je pense que le problème de lacune ne se posera plus. Tout ce dont nous avons besoin c’est de mentors techniques avec une lourde expérience dans leurs domaines, du financement et du soutien local.

De quoi est née votre passion pour le génie biomédical ? 

Déjà ma passion est technologique. Je suis un ingénieur industriel qui aime profondément le développement électronique et informatique. Je mentirai si je disais que c’est depuis l’enfance. Comme certains, je ne savais pas ce que je voulais faire comme métier avant l’obtention de mon Baccalauréat. Il y avait quelques idées folles mais rien de solide. Après mon Bac, j’ai été inscrit dans une filière que je ne connaissais pas, c’était la filière informatique industrielle. Les premiers mois de cours étaient encore théoriques, jusqu’au jour où j’ai fait la rencontre de Mme DJOMFE enseignante d’algorithmique et programmation. Cette dame m’a transmis sa passion pour le développement informatique, passion que j’ai nourrie au fil des années par le travail et qui est devenue ma distraction principale. La passion pour l’électronique quant à elle est née à partir de ma deuxième année d’université avec les concepts de micro-contrôleur et la programmation embarquée. Ce fût une stupéfaction de voir que je pouvais appliquer la partie virtuelle du développement à des objets matériels qui aideraient à l’amélioration des conditions de vie.

Étiez vous un enfant qui créait ses propres jouets ? Quel était votre jeu favori ?

J’étais plus un enfant avec une imagination débordante. Des jouets je n’en avais pas beaucoup mais je me rappelle mon premier ordinateur, je devais avoir 13 ans, mon père nous avait ramené un desktop pentium 3. C’est là-dessus que je passais toutes mes journées. J’avais installé un pack de jeux vidéo qui s’appelait Neo-Geo. J’aimais particulièrement 2 jeux de cette suite : Metal Slug et The King of Fighters. C’est avec cet ordinateur que j’ai expérimenté mes premiers programmes informatiques 3 ans plus tard. Je me rappelle encore ce premier TP de Mme DJOMFE portant sur la simulation graphique du fonctionnement des feux de carrefour. Avec mon camarade, nous y avons mis tellement de cœur et de passion que le résultat nous a valu les félicitations des autres camarades et du corps enseignant. C’est à partir de cette période que la programmation est devenue mon jouet principal.

Le succès est extrêmement agréable. Il est source de bien-être et la récompense d’avoir atteint un objectif. Quel objectif vous rend le plus fière ?

Je suis déjà fière de mes succès académiques et professionnels jusqu’ici. Mais il y a deux choses qui me donnent particulièrement le sourire à chaque fois que j’y pense : la première est la légalisation de mon entreprise après 3 années à travailler et croire en ce projet, il a finalement pu se matérialiser ; la deuxième chose c’est ma famille au sens large, c’est grâce à eux que je me lève chaque matin et continue d’avancer quoi qu’il arrive. Chaque jour pour moi est une réussite mais j’attends impatiemment ce jour où nous atteindrons le seuil des 1000 clients, avec plus de 5 produits sur le marché et 100 jeunes que nous avons formés et qui sont devenus de grands leaders eux aussi.

Les soins et équipements tels que les seringues électriques, les appareils de dialyse, et les appareils d’imagerie comme les scanners, IRM jouent un rôle primordial dans le diagnostic et le traitement des patients mais en Afrique sont extrêmement coûteux. Pensez-vous vraiment que votre apport changera les choses ? 

Notre approche est de ne pas nous attaquer au domaine médical pour le moment. Nous fabriquons des appareils électroniques grand public. Si ceux-ci peuvent également servir dans le domaine médical sans impact direct sur la santé du patient alors c’est idéal. L’idée derrière est de gagner en expérience et en renommée car sachez qu’il y a encore beaucoup de scepticisme quant aux solutions locales et il faudrait user de beaucoup de tact pour démontrer la fiabilité de ce que nous faisons.

En toute franchise, voyez-vous votre métier comme un moyen de vivre une vie de milliardaire ? Améliorer l’Afrique est-elle votre unique motivation ?

J’ai à manger dans mon assiette le soir, il me faut juste un matelas et 4 murs pour être à l’abri de la pluie et du soleil. Si je devais vivre pour moi alors je ne ferais pas ce que je fais actuellement. Mon bonheur vient de ma fierté de voir que je suis utile aux autres. Alors ma motivation est avant tout le bonheur des autres. L’Africain(e) est mon frère ou ma sœur, son enfant est mon fils et si ce dernier doit aussi faire 20 ans d’études pour après réfléchir à comment gagner sa vie comme je l’ai fait alors que j’ai les moyens d’y remédier en me battant pour créer quelque chose de solide pour lui alors j’ai le devoir de le faire. La vérité est que même les milliardaires meurent mais ce qui ne meurt pas c’est ce qu’ils ont accompli tout comme ma prof d’algorithmique et programmation Mme DJOMFE. Je ne l’oublierai jamais et ce qu’elle m’a donné, je le donnerai à d’autres.

Comment décririez-vous Le Rêve Africain ? Pensez vous qu’il sera possible un jour pour l’africain moyen ?

Il n’y a pas de rêve. Tout ce en quoi on croit et on se bat dur se réalise. Alors plus il y aura de personnes qui se battront, plus la réalité dominera. Se battre d’après moi signifie que chacun doit faire son travail. Laissons les débats et discours aux journalistes et politiciens, c’est leur métier. Si tu es ingénieur fait pour toi.

Vous avez été le gagnant d’une édition de la compétition The Champion. Pouvez-vous nous parler de cette compétition et de ce qui vous a démarqué ?

En effet, nous avons remporté la compétition TIE Champion organisée par la KMERTECH et l’Union Européenne. La compétition a accueilli les candidats de presque toutes les régions du pays, qui se sont battus pour franchir les 3 niveaux de sélection et gagner l’un des prix finaux. Nous avons remporté le premier prix de la catégorie Santé et je dirais que la nature de notre solution (électronique et informatique), son aptitude à résoudre les problèmes importants pour les utilisateurs et notre expérience en entrepreneuriat furent les éléments déterminant de notre réussite.

Être ingénieur n’a rien de facile, mais vous ralliez en plus à cela la casquette d’entrepreneur. Comment faites-vous pour tenir toutes vos obligations ?

Un ingénieur est un entrepreneur. Nous avons la capacité de créer la richesse à l’inverse de la consommer. Les 2 étant étroitement liés, je dirais que tout se joue à l’instinct. Ajouter à cela l’expérience de mes mentors, c’est devenu une évidence.Il faut également se rappeler que seul on ne peut rien alors mon équipe y est pour beaucoup dans ce que nous entreprenons. J’ai donc eu la chance d’avoir près de moi des personnes plus expérimentées qui ne manquent pas de nous conseiller et nous guider, des collaborateurs qui ont un grand sens du sacrifice et une bonne endurance et enfin des proches qui croient en ce que nous faisons et ne manquent pas de nous encourager.

Quelle est votre vision pour votre entreprise pour les cinq prochaines années ?

MesinTech sera leader dans les systèmes d’aide à la prise en charge rapide et efficace des patients, en plus d’être une référence en matière de conception informatique  et d’accompagnement à la formation des jeunes.

Parlez-nous de votre entreprise. Depuis combien de temps existe-t-elle ?

Sur le papier, nous existons depuis 2022 mais sur le terrain, nous sommes actifs depuis 2019, période à laquelle nous avons commencé les travaux sur notre premier produit TelMi. La légalisation s’est faite en même temps que le lancement du système d’appel infirmier TelMi. C’est une solution qui permet dans un premier temps au malade d’alerter le personnel de santé par appui sur un bouton puis au personnel de santé de recevoir ses alertes pour une amélioration de la prise en charge et un allègement des procédures de travail. Pour le moment, nous avons centré notre communication sur les établissements de santé privés et travaillons avec plus de 20 structures sanitaires. À court terme nous visons les établissements de santé publics, les hôtels, les restaurants et les grandes surfaces. Parallèlement à ce produit, nous proposons des services de développement informatique : conception de logiciels, site web, application (Android et web), conception électronique et impression 3D. La formation continue et totalement bénévole des jeunes restent au cœur de nos activités.

Êtes vous totalement indépendant ? Où avez-vous trouvé vos financements ?

Nous sommes entièrement indépendants. Nous vivons grâce à nos ressources personnelles et les ressources générées par la vente ou les contrats avec nos clients.

Quel est le positionnement de votre entreprise dans votre secteur ?

Sur le plan du développement électronique et informatique avec une solution déjà sur le marché, je dirais qu’il y’a d’autres entreprises existantes. Mais en ce qui concerne les systèmes d’appel, je dirais que nous sommes la première à ma connaissance sur le territoire Camerounais. L’innovation derrière notre solution nous placerait également au premier rang sur d’autres cieux.

Comment trouvez-vous l’état de ce secteur en Afrique et au Cameroun en particulier ?

Le secteur des technologies de la santé est encore vierge au Cameroun, beaucoup l’ont compris raison pour laquelle on assiste peu à peu à la naissance de startup dans ce domaine. Je pense que c’est un domaine porteur et à encourager car la santé conditionne le travail, l’éducation, le bien-être général.

Quelle est votre cible ? 

Comme souligné précédemment, nous visons les établissements de santé, les hôtels, les services de restaurations et autres pour une amélioration du service à la clientèle.

L’accès aux soins en Afrique et au Cameroun votre pays en particulier est difficile et coûteux. Comment pensez-vous que vos produits vont se vendre ?

On a l’habitude de dire qu’un client satisfait c’est dix de gagnés. Notre cible, ce sont les managers des établissements cités car en améliorant leur service à la clientèle, cela aura un impact positif non seulement sur leur renommée mais surtout leur chiffre d’affaires. De plus, notre produit améliorera aussi les conditions de travail de leurs employés pour un rendement plus élevé.

Maintenant que vous êtes une personne à succès, quel est le regard des gens sur votre personne ?

Pour ceux qui l’ont manifesté, j’y ai vu de l’inspiration ou de la motivation pour eux, pour les autres je ne pourrais m’avancer à interpréter car je n’y prête pas trop d’attention.

Un conseil pour les jeunes entrepreneurs ou aspirants entrepreneurs qui vous lisent et aimeraient avoir le même parcours ?

J’ai 3 conseils pour eux :

1. S’entourer de personnes qui comprennent ce que vous entreprenez afin de recevoir conseils, encouragements et critiques.

2. Travailler dur, travailler comme si votre vie en dépendait.

3. Croyez en quelque chose de plus grand que vous.

Une citation, un proverbe, un verset qui vous motive ?

Ce qui ne te tue pas te rend fort.

Amalia Ebongue

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