Covid-19 : la vaccination du corps médical bientôt obligatoire au Cameroun ?

« L’État ne pourra plus continuer à faire un traitement global pour les personnes qui refusent de se faire vacciner. Pourquoi les autres camerounais qui, eux, sont allés à la vaccination et se sont mis à l’abri, doivent payer pour celui qui refuse de se faire vacciner ?

Dans une note qui a été rendue publique, le directeur de l’hôpital Général de Yaoundé a invité l’ensemble de son personnel à prendre part à la troisième vague de vaccination lancée pour faire face à un nouveau variant du virus de la Covid-19. Il a également insisté sur le caractère obligatoire de cette vaccination. Le mutisme observé jusqu’ici par les autorités et des syndicats laisse songeur à une éventualité qui est celle d’imposer le vaccin contre la volonté des personnes. Et si cela devenait une réalité ? 

S’achemine-t-on vers une vaccination obligatoire du corps médical ? Depuis le lancement des campagnes de vaccination au Cameroun, aucune mesure coercitive n’a été formulée jusqu’ici contre le personnel sanitaire non vacciné.  On a laissé  à tout un chacun le libre arbitre de le faire. Mais la grande majorité a décidé de ne pas se faire vacciner, ce qui a davantage poussé la population à se montrer aussi méfiante. Une incertitude que le ministre de la santé n’a pas pris à la légère, pour éviter d’arriver à une situation qui pourrait provoquer des mouvements d’humeur. Il a déclaré dans une de ses sorties que la vaccination n’est pas obligatoire au Cameroun. Un choix que le gouvernement camerounais serait-il en train de regretter aujourd’hui ? Certainement, au regard du faible taux de personnes immunisées contre le virus, il y a de quoi que cette situation préoccupe les autorités. 

Conscient des efforts mis en place pour sensibiliser les populations à se faire vacciner, le gouvernement ne compte pas rester les bras croisés sans rien faire. Les premiers remous de son offensive ont commencé à se faire sentir avec la sortie subtile du directeur de l’hôpital général de Yaoundé. Dans une note adressée à ses collaborateurs, celui-ci leur a exigé de prendre part à la troisième vague de vaccination, tout en brandissant les sanctions contre ceux qui ne le feront pas. Tout laisse donc à penser que le recours à la contrainte est à ce jour la solution idoine qui pourrait donner un coup d’accélérateur à la vaccination.  

La contrainte comme solution pour faire vacciner les gens

C’est une course contre la montre qui se dessine en ce moment au Cameroun contre le virus de la Covid-19. La découverte récente d’un troisième variant entre les deux principales villes, Douala et Yaoundé, vient une nouvelle d’augmenter le niveau d’alerte du gouvernement qui ne veut pas se retrouver devant une situation chaotique. Selon les experts, ce nouveau virus à une capacité de nuisance telle que, lorsqu’il est détecté, il devient difficile de préparer une meilleure riposte. Et la vaccination obligatoire pour les soignants, puis les non soignants semble être une issue privilégiée. 

On penserait même que, elle doit être effective, même si cela va créer des émois. L’hôpital général de Yaoundé est actuellement le seul établissement sanitaire à passer par la phase répressive contre ses agents qui refusent la vaccination, en attendant de voir si cette mesure va être généralisée. La direction a décidé de bloquer l’accès et de renvoyer à la maison ceux qui ne se feront pas vacciner. Cette mise au chômage forcée sera suivie avec la suppression partielle de leur salaire. Une nouvelle qui ne fait pas du tout plaisir, surtout à la veille de la rentrée scolaire. 

D’autres pistes sont également en étude. Le gouvernement envisagerait aussi de ne plus financer la prise en charge des personnes infectées. Il reviendra maintenant à chaque famille de payer la facture des soins médicaux. Dans une de ses sorties, le ministre de la santé a évoqué cela : « L’État ne pourra plus continuer à faire un traitement global pour les personnes qui refusent de se faire vacciner. Pourquoi les autres camerounais qui, eux, sont allés à la vaccination et se sont mis à l’abri, doivent payer pour celui qui refuse de se faire vacciner ? ». Cette déclaration épistolaire de Manaouda Malachie traduit ici le ras-le-bol du gouvernement qui se sent désemparé par le manque de collaboration des populations dans ce combat contre le virus. Toutes les campagnes de sensibilisation menées jusqu’à ce jour n’ont pas prospérées. Les autorités ne veulent plus continuer avec ce concert de sourd qui visiblement n’est plus une voie à suivre, puisqu’elle est inefficace. 

Et si la mesure était appliquée partout ?

C’est une alternative qu’il ne faudrait pas écarter dans la mesure où le Cameroun a déjà reçu plusieurs doses de vaccins. 200 000 doses de Sinopharm, 303 050 doses de vaccin de Johnson & Johnson, 400 000 doses d’AstraZeneca. Et une bonne partie risque de finir à la poubelle, si elles ne sont pas utilisées avant la date de péremption. C’est une mauvaise image que le Cameroun ne voudrait pas avoir auprès de certains de ses partenaires qui ont un regard sur sa gestion de la crise sanitaire. 

Dans l’urgence, il est question de vacciner le maximum de personnes avec les doses disponibles pour éviter d’être mal noté par rapport aux autres pays, mais aussi parce que le pays accueille bientôt la Coupe d’Afrique des Nations. De nombreuses délégations vont se déplacer pour assister à cette messe grande messe du football africain et le risque zéro n’existe pas. Dans ses prévisions, le pays comptait atteindre avant la fin de l’année 2021 la barre de 5 millions de personnes vaccinées sur les 25 millions d’habitants, ce qui fait un taux de 20 % de la population. Mais le compte est encore loin d’être atteint. Du coup, si le gouvernement opte pour un passage en force comme c’est le cas actuellement en France, le corps médical qui est en ligne de mire, n’aura pas d’autre choix que de s’aligner. 

 Le gouvernement miserait-t-il plus sur une vaccination ciblée ?

En Afrique, le pays qui a réussi jusqu’ici à mettre en place une politique de vaccination contre la covid-19 qui porte ses fruits : c’est le Maroc. Le royaume chérifien compte à  ce jour plus de 13,6 millions de personnes vaccinées, ce qui correspond à 37,2 % de sa population. Pour parvenir à ces résultats, les autorités marocaines ont lancé au départ des campagnes de vaccination ciblées avant de les élargir à l’ensemble de la population. C’est également l’un des premiers pays  africains à produire le vaccin de la Covid-19 sur place. Au Cameroun, c’est le personnel de santé qui visé prioritairement, même si les campagnes s’adressent aussi à l’ensemble des camerounais qui traînent encore le pas. 

Plusieurs raisons peuvent expliquer cela. Le premier point c’est que, les autorités veulent sécuriser d’abord le personnel de santé qui est appelé à s’occuper des personnes qui seront éventuellement infectées. En cas de contamination à grande échelle, elles ne veulent pas être en pénurie d’effectifs, même si c’est le cas dans certaines localités. En faisant un calcul approximatif du total des doses de vaccin perçues jusqu’à ce jour, celles-ci ne peuvent pas couvrir les 25 millions de Camerounais. Celles-ci pourraient augmenter si le gouvernement est certain qu’il y aura de l’affluence vers les points de vaccination. Ce qui n’est pas encore le cas pour le moment, avec 0,24 % de personnes vaccinées, le Cameroun ne veut pas prendre le risque de commander des millions de doses qui finiront probablement à la poubelle, parce qu’elles auront atteint la date de péremption. Avancer étape par étape semble la meilleure option. Mais qu’arrivera-t-il si jamais la demande en vaccination augmente ? 

Charles Binelli

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