Promoteur de l’agence de communication digitale John’s Corporation qui accompagne les startups dans leur visibilité. Jean-pierre Mbanga est également vice-président de l’association ASENIA. Une plateforme mise en place par celle-là qu’on appelle la mère du made in cameroon Carine Andela. Elle œuvre pour la promotion et la valorisation des produits locaux. À l’occasion de la célébration de la journée dédiée au made in Cameroon qui a eu lieu ce jour, l’entrepreneur nous a fait l’honneur de répondre à quelques-unes de questions que nous lui avons posées et que nous vous invitons à lire.
En tant que vice-président de l’ASENIA, pensez-vous que les nouvelles orientations qui sont contenues dans la nouvelle loi de finance 2021 vont- elles booster le développement du made in Cameroon ?
Comme toute chose, il y a toujours du bon et du mauvais dans ce qui se présente à nous comme situation ; mais c’est notre réaction face à cette dernière qui nous fait obtenir des résultats négatifs ou optimaux. Dans le cadre de notre association, nous ne cessons d’insuffler un climat d’optimisme à notre réseau d’entrepreneurs et partenaires afin que nous puissions saisir les opportunités qui s’offrent à nous et les rendre mieux exploitable afin de garantir la pérennité du label de notre pays à savoir le Made in Cameroun. Nous travaillons sur de nouvelles stratégies avec nos partenaires institutionnels et privés à mettre sur pieds en 2021, afin que les pistes d’opportunités de la loi de finances 2021 nous soient favorables
Vous par exemple au sein de votre association, comment allez-vous encadrer les entrepreneurs afin de bénéficier de cette ouverture ?
Nous comptons avoir une meilleure organisation stratégique afin que les informations que nous recevons de nos partenaires institutionnels et privés puissent être bénéfiques à notre réseau d’entrepreneurs du Made in Cameroun. Nous comptons nous démarquer tout en restant cohérents à la vision que nous avons pensée, partagée et actée depuis 2016.
De votre analyse, partagez-vous le sentiment selon lequel, l’État a voulu se rattraper par rapport aux accords d’ACP qui exonèrent certains produits étrangers des charges douanières ?
De mon point de vue, l’État (Institution) a toujours été favorable à l’émancipation du Made in Cameroun mais l’État (société civile) et les hommes sous la houlette de son déploiement n’ont toujours pas compris les enjeux d’un tel projet.
Les instruments d’exonération font partis des outils permettant de faciliter l’essor du label Made in Cameroun et d’inciter les acteurs hésitant encore à prendre ce combat au bras le corps.
Les ACP représentent certes une épée de Damoclès à notre économie locale, mais il n’en demeure pas moins que cela dépende de l’angle sous lequel on le regarde.
Même si on peut saluer la nouvelle orientation du gouvernement qui apporte aux producteurs locaux leur soutien à travers cette loi de finance. L’une des difficultés que rencontre ses personnes c’est le manque financement. Quelle approche mettre donc en œuvre pour faciliter l’obtention des ressources financières ?
Notre souci aujourd’hui n’est pas tant l’aspect financier, mais plutôt une bonne organisation qui pourra favoriser une meilleure exploitation des ressources financières qui pourraient être allouées aux bénéficiaires. En outre, nous pensons également que l’État devrait véritablement prendre au sérieux les initiatives locales au regard des conséquences que la pandémie nous a fait observer. Le patriotisme économique devrait être une arme bénéficiant d’une grande propagande afin que les financements puissent avoir leurs effets auprès des bailleurs de fonds.
Le slogan actuel c’est « consommons camerounais ». Cependant, certains se plaignent des prix qui sont pratiqués sur les produits fabriqués sur place par rapport à ceux importés et ayant presque les mêmes caractéristiques. C’est un argument qui ne tient pas la route selon vous ?
Cet argument est mitigé selon moi et les opinions resterons divergents selon que l’on soit producteur ou consommateur. D’un côté les différentes charges que supportent les producteurs locaux sont encore conséquentes compte tenu des faibles ressources financières dont ils disposent comparativement aux grosses industries étrangères qui bénéficient d’une plus grande assiette d’accompagnement.
De l’autre côté le consommateur, le consommateur portera toujours son choix vers ce qui lui est moins couteux afin de faire plus d’économies.
Au sein d’ASENIA, nous invitons les entreprises de notre réseau à intégrer la forme d’industrialisation dans le processus de croissance de leur entreprise afin de chercher et de saisir les champs de possibilité qui permettra à leurs entreprises de fabriquer des produits avec un rapport qualité prix adapté à la bourse du consommateur local, mais également être plus compétitif à l’échelle internationale.
Nous avons tout de même certaines qui sortent déjà du lot depuis le début de l’aventure dans notre réseau. Et pour les consommateurs, nous arrivons à faire une propagande sur l’importance du consommer local comme étant d’une importance capitale et ayant un impact sur les plans politique, économique, socio-culturel. Rendu à cette date, malgré la confiance dubitative de certains compatriotes, les produits camerounais sont déjà appréciés et se vendent sur le terroir et même à l’international.
Nous devons mettre en tête qu’en refusant d’acheter un produit Camerounais de « Bonne Qualité » on évite à l’entreprise productrice d’embaucher un jeune camerounais en situation de chômage.
Dans un entretien accordé au directeur de Carrefour Cameroun Monsieur Demez, il avait laissé entendre que, avant de s’installer, il avait observé qu’il y avait un manque criard de produits locaux dans certaines enseignes commerciales camerounaises. Alors comment comprendre ce manque de soutien ?
C’est également le constat que nous avions fait au début de notre aventure. Ceci pouvait s’expliquer par le fait que les propriétaires de ces enseignes de distribution ne croyaient pas pouvoir écouler les produits locaux parfois à cause de la qualité des produits sur la forme (packaging pas très vendeur) ou sur le fond (produit non contrôlé).
Mais on retrouve des produits locaux de plus en plus présents dans de nombreuses enseignes commerciales camerounaises. C’est une avancée non négligeable et sur laquelle nous savons qu’elle évoluera davantage dans les prochains mois. Par ailleurs il y a d’autres espaces de distribution mis sur pieds par les producteurs eux même au sein de notre réseau afin de rendre plus accessible les produits locaux.
Aujourd’hui il y a deux camps. Ceux qui pensent que les enseignes étrangères ne favorisent vraiment pas le développement des produits locaux. D’un autre côté, il y a ceux qui pensent le contraire. Vous vous situez sur quel bord ?
L’idéal serait que nous puissions avoir une économie purement autonome et que nous puissions maitriser nos chaines de production de bout en bout, mais ici le bord et les opinions importent peu car le plus important actuellement serait de produire, transformer et enfin de distribuer.
Ce qui n’exclut pas le fait que notre association milite en faveur du développement du label par les nationaux.
Dans certains pays, il existe des normes pour labéliser un produit. Au Cameroun quel est le processus ?
Il y a tout juste un an que le référentiel Made in Cameroon a officiellement été présenté au public à Edéa lors d’une foire d’exposition des produits locaux, et le document remis au Secrétaire Général du Ministère en charge des Mines. Il s’agit ici du dernier label crée par l’Association des entrepreneurs ingénieux d’Afrique, le ministère en charge des Mines et AB Certification Afrique Subsaharienne SA.
Ce label vise à rendre nos produits plus compétitifs, rester dans un processus d’amélioration continu et surtout rassurer le client sur le choix du produit local qu’il décide d’acheter. En dehors de ce label, il existe d’autres instruments tels que les certificats remis par l’ANOR, les résultats de tests en laboratoire et bien d’autres encore.
L’ASENIA est une plateforme qui réunit plusieurs entrepreneurs camerounais. Quelle est sa mission ?
Dans le cadre de la promotion de l’entrepreneuriat jeune et féminin, ASENIA s’est donnée pour mission d’encadrer les jeunes entrepreneurs les plus innovants dans le Made in Cameroun et de les mettre en visibilité afin d’impulser un grand impact à l’échelle sous régional à court terme, continental à moyen terme et en outre-mer sur le long terme
Quel est le mode d’adhésion ?
Les conditions d’adhésion à ce jour sont assez simples : jouir d’une civilité d’un pays africain, être dans l’une des chaînes de création de richesses (production, transformation ou distribution), s’acquitter de ses frais d’adhésion et de cotisation annuelle. Nous avons travaillé avec ces conditions pendant 4 ans et nous comptons réfléchir sur les prochaines conditions qui seront soumises lors de notre prochaine assemblée générale à l’entame de la cinquième année.
De nombreux entrepreneurs mettent sur pied des produits qui ne sont pas protégés au niveau de l’OAPI. Est-ce qu’au sein de votre association les entrepreneurs bénéficient-ils d’un accompagnement dans la protection de leur marque ?
Comme mentionné plus haut, nous avons au sein de notre réseau, des partenaires publics et privés pour accompagner les entrepreneurs de notre réseau soucieux d’avoir des produits et des marques compétitives sur le marché. C’est ainsi que nous avons signé un partenariat avec un cabinet agrée par l’OAPI pour protéger les entreprises ou produits auprès de l’organe en question et être leur intermédiaire.
L’un des reproches qui est souvent fait aux produits locaux c’est le prix élevé, partagez-vous aussi cette analyse ?
C’est un reproche relatif et qui émane parfois de plusieurs facteurs. Je préfère sur le coup dire très souvent que chaque produit est adapté à une clientèle/cible précise. La plupart des produits locaux sont faits de manière artisanale : soit bio, soit naturel. Partout dans le monde l’artisanat est orienté à une clientèle de niche car moins de substance chimique et nocive à la santé.
Quand j’achète un produit, ce n’est pas son prix qui m’influence, mais ce qu’il pourrait causer à ma santé en premier. Vu sous cet angle, on comprend mieux que la qualité a plus d’importance que le prix parfois.
Quelle est selon vous la stratégie à mettre en place pour que les camerounais puissent véritablement consommer le made in Cameroon ?
La meilleure stratégie selon moi résiderait dans une meilleure organisation inclusive, une plus grande promotion et une réelle implication tant de l’État et ceux qui l’animent que de la société civile. Nous employons d’ailleurs le français et l’anglais dans l’appellation de ce label pour faire allusion aux deux langues officiellement parlé au Cameroun afin que chacun puisse se sentir concerné.
Le Made in Cameroun est aujourd’hui comme un bébé en phase d’apprentissage de l’habilité à marcher ; si on le décourage il pourra perdre sa motivation et ne jamais se mettre à marcher. Si on l’encourage, il nous fera voir des choses incroyables.
Charles Binelli